samedi 23 août 2008

TOROBAKI ET TOROBAKA ...







Il était une fois .... deux îles. Comment les appellerai-je ? Je ne peux pas les appeler "Terre-de-haut" et "Terre-de-Bas, puisque ces noms sont déjà utilisés pour désigner les îles de l'archipel des Saintes, lequel se trouve près de la Guadeloupe. Et pourtant, ces deux noms leur conviendraient parfaitement en raison de leur configuration. Appelons-les Torobaki et Torobaka ... Pourquoi pas ?



L'histoire que je vais vous raconter s'est passée il y a longtemps, bien longtemps ... À moins qu'elle ne soit pour demain, pour aujourd'hui ou pour plus tard ?
C'est dans un grand océan. Peut-être dans l'Atlantique, ou bien dans le Pacifique ... à moins que ce ne soit dans l'Océan Indien ?

Il y a deux îles, tout au-milieu de l'océan. Ce sont deux petites îles. L'une est plate, c'est un atoll, l'autre est haute comme une montagne, c'est un ancien volcan qu est éteint.
L'île plate est toute de corail, l'autre est de roc. Elles sont habitées toutes les deux.

Tous les matins, les habitants de la première montent dans leurs pirogues et se rendent sur la seconde. Tous les après-midi, les habitants de la seconde montent dans leurs pirogues et vont sur la première.

-" Mais pour quoi faire ? "

L'île plate, c'est Torobaki. l'île haute, c'est Torobaka. Ceux de Torobaki vont chercher des fruits et des légumes à Torobaka. Ceux de Torobaka vont à Torobaki pour y acheter du poisson. Il n'y a pas de poissons à Torobaka. Rien ne pousse à Torobaki, rien du tout, absolument rien du tout puisque ce n'est qu'une île de corail ! ! ... Vous avez vu pousser quelque chose, vous, dans le corail ?


-"Mais pourquoi n'y a-t-il pas de poissons à Torobaka ?"

-" C'est comme ça, dans les îles hautes, il n'y a souvent pas de récif coralien, alors il y a moins de poissons. En tout cas, c'est comme ça, à Torobaka !"

-"Pourquoi n'y a-t-il pas de fruits, pas de légumes à Torobaki ?"

-" je l'ai dit : Il n'y a pas de terre à Torobaki ! Rien que du corail, du sable et du gravier !"

Sur Torobaka on voit des mahoganis, des albizzias, des "calices du pape" et aussi des manguiers et des bananiers en quantité !
Sur Torobaki, il ne pousse rien.
Sur Torobaka, il y a des jardins ... des potagers pleins de tomates et de melons, de choux et de salades, de hariicots et d'aubergines. Mais il y a aussi des hibiscus et des frangipanniers, des bougainvillées et des orchidées.
Sur Torobaki, tout est désolé.



-"Mais nous pourrions gagner beaucoup d'argent, dit le chef de Torobaa."

-"Comment cela ? "

-"Nous vendons nos légumes et nos fruits aux gens de Torobaki, mais nous en dépensons autant pour acheter notre poisson. Il ne nous reste jamais le plus petit sou après ces transactions ! Nous ne nous enrichirons jamais comme cela ! Vendons de la terre aux gens de Torobaki, puisqu'il n'en ont pas ! "



Génial ! Aussitôt dit, aussitôt fait ! Les gens de Torobaka, dans leurs pirogues, emportent de la terre à pleins paniers. Vite, ceux de Torobaka font pousser des pastèques, puis des légumes de toutes sortes. Ils plantent des arbres fruitiers.
Ils récoltent des tomates, des salades, des choux et puis des haricots, des aubergines et des melons. Et puis ils ont maintenant des bananiers et des manguiers, des goyaviers et des jacquiers. Bientôt il y a aussi des mahoganis, et des albizzias, des cocotiers et des takamaka.


QUE CROYEZ-VOUS QU'IL ARRIVA ???



Les gens de Torobaka sont devenus très vite très riches. Leur chef, toute la journée, compte ses pièces et ses billets. Il s'est même acheté un chapeau de Panama et il a fait venir à grands frais une plume de perdrix pour mettre à son chapeau. Mais il n'y a plus de vergers, plus de légumes et plus de fruits. Il n'y a plus ni frangipanniers, ni bougainvillées.
Les gens de Torobaka, ayant raclé le sol jusqu'à l'os auront bientôt .... Les pieds dans l'eau !!

-"Au secours ! " crient les gens de Torobaka

Ils montent dans leurs pirogues et vont jusqu'à Torobaki.

-" Mais ... Leur argent, qu'en feront-ils ? ".

-" Ils le donneront aux gens de Torobaki pour payer leurs fruits et leurs légumes. Ils le donneront pour payer leur poisson .... Ils le donneront jusqu'au dernier sou !"



C'est une histoire que m'a racontée Petit-Jean. Mais Petit-Jean, dit-on, est un peu sot. Il a la tête comme une noix de coco verte : Dedans, il n'y a que de l'eau !!

Pourtant ... Pourtant ... Allez donc voir à Makatea et dans les autres îles à guano ... Allez donc voir ce qu'il reste d'autre que du corail mort !

jeudi 21 août 2008

Le Petit Garçon qui voulait Voir la neige











Grand' mère, dis, grand' mère, achète-moi un beau livre. Tu veux bien ? Un beau livre d'images, avec des dauphins ...

Petit-Louis est malade. Petit-Louis est couché dans un lit tout blanc. Il est à l'hôpital. L'infirmière passe et repasse, elle lui fait chaque fois un sourire. C'est précieux un sourire, quand on est malade !

Mais, pour l'instant, grand' mère est là, grand' mère Elva. Son visage est tout ridé, mais elle a les mains si fraîches et les yeux si doux ! On ne sait plus quel âge elle a !

Grand' mère est assise au pied du lit. Elle vient juste de finir de raconter une histoire, une belle histoire. Elle a dit les oiseaux,les animaux, le vent et les vagues. Elle a dit les hommes, les lutins, les géants et les génies. Elle connaît tout, grand' mère, elle a tant vu !


Aujourd'hui, elle a raconté les dauphins, les dauphins qui viennent jouer parfois du côté de Grande Anse, là où viennent se briser sur les rochers de granit les grandes vagues qui viennent de loin : De l'autre côté de l'horizon. Ils viennent souvent par coupes, les dauphins , mais il arrive qu'ils viennent par centaines. On dirait qu'ils jouent à saute-moutons. On raconte qu'ils sauvent les marins naufragés en les portant sur leur dos. On dit aussi qu'ils guident les navires entre les récifs. On dit encore qu'ils éloignent les requins. On a vu des dauphins jouer, dans l'eau avec des enfants. Ils chantent, les dauphins. Ils sifflent, ils gazouillent. Ils sont toujours de bonne humeur !

-" Dis, grand' mère, achète-moi un livre, un beau livre d'images avec des dauphins ... C'est bientôt Noël !"




Grand' mère a apporté le livre. Elle l'ouvre sur le lit du malade. Petit-Louis tourne les pages, l'une après l'autre. Il ne sait pas encore lire, Petit-Louis, mais il parle aux dauphins et il lui semble bien que les dauphins lui répondent. Sur les images, ils font des cabrioles, ils font la course, ils sautent, ils font des galipettes, ils rivalisent de vitesse avec les bateaux. Certains se tournent sur le flanc et montrent leur ventre blanc. Ils montrent un oeil qui cligne de plaisir !

-" Quand je serai guéri, nous retournerons à Grande Anse, pour voir sauter les dauphins. "

À la dernière page du livre, on voit un dauphin qui est tout seul. Il semble se tenir debout dans l'eau. Il est tout sourire. Il ne faut pas que cela vous étonne, les dauphins sont très souriants. Mais, de plus, ce dauphin-là, il parle !

-" Alors, Petit-Louis, quand viendras-tu me rejoindre ? "



Maintenant, Grand' mère est partie. Petit-louis s'est endormi.

-" Êtes-vous certain qu'il dort ? "- On voit clignoter ses paupières. Il s'assied sur le lit. Il ouvre son livre. Du bout du doigt il caresse le dauphin, le dauphin de la dernière page, celui qui parle ...

-" Peut-être bien que si j'y pensais très fort, vraiment très fort ... "

Petit-Louis fixe ses yeux sur l'image. Il ne voit plus qu'elle. Il ne bouge pas. Il pense fort, très fort :

-" Attends un peu, un tout petit peu, je viens ! "

                         ***
Tout doucement, le dauphin approche, tout doucement. Le soir descend, l'eau est douce et tiède. Une étoile, au ciel, s'allume déjà et scintille. Petit-Louis n'a pas peur. Il caresse le long dos bleu. Il ferme les yeux. Sa main s'arrête sur le front, juste là où commence le rostre, où naît le sourire. Le dauphin couine de plaisir ! Il se tourne sur le côté, prête son dos ... O, la magnifique chevauchée ! Petit-louis est à cheval sur le dos du dauphin, et les voilà partis. O, la longue, la belle chevauchée, sur les vagues de l'océan ! Dans un rayon de lune, les poissons sautent, émerveillés.
C'est une longue promenade, très douce. Derrière, on laisse un long sillage blanc, un très long sillage, dans lequel semblent s'entrecroiser des fils de lumière.


Bientôt, ce sera Noël. Petit-Louis dort, il dort calmement dans son petit lit blanc.
-" Petit-louis ne va pas mourir ? "



-" Grand' Mère, pour Noël, je voudrais ... Un bonhomme de neige ..."

-" Un bonhomme de neige ! Mais mon pauvre enfant ... Un bonhomme de neige dans les îles Seychelles ! Comment veux-tu ? Il serait fondu bien avant d'arriver ici, ton bonhomme de neige ! "

-"Cela ne fait rien, je voudrais un bonhomme de neige ! "


Grand' Mère apporte un beau livre. On y voit un grand bonhomme de neige, avec un chapeau. Il est de guingois, le chapeau ! . Il a une pipe, une écharpe autour du cou et un balai sous le bras.
Quand on tourne les pages on voit paraître des maisons avec des cheminées qui fument. Il y a des flocons qui tombent sur les arbres. Des enfants font des batailles avec des boules de neige.

- " Mais, Grand' Mère, je veux en voir un vrai, un bonhomme de neige ! "

Petit-Louis y pense bien fort, en fermant les les yeux. Peut-être bien qu'il dort ?

-"Dis, gentil dauphin, tu m'emmèneras voir un bonhomme de neige ? Emmène-moi très loin, là où il fait bien froid . "



Le dauphin s'arrête tout net : On était parti pour une belle chevauchée, en direction de l'île que l'on appelle l'île Silhouette ... Peut-être bien, même, qu'on aurait dépassé l'île Silhouette aujourd'hui ...

-" Un bonhomme de neige ! Écoute-moi bien, Petit-Louis; J'y suis allé déjà, dans ces pays où l'on peut faire des bonshommes de neige. J'y suis allé lorsque j'étais tout petit. J'étais avec ma mère ... Elle avait la voix si douce ... Il faisait grand froid. C'était près des îles Féroë, je crois, ou bien près du Groënland ...
Il y avait des icebergs tout bleus, qui dérivaient dans l'océan. Maman m'apprenait à les repérer au sonar, malgré les bancs de brouillard. Il neigeait là-bas, c'est vrai. Là-bas, on pouvait faire des bonshommes de neige. Les enfants étaient tout couverts de fourrures. Ils avaient les yeux bridés. C'était il y a longtemps. Je ne retournerai pas là-bas, c'est trop loin et puis il fait trop froid ! Non, je n'y retournerai pas ! "

-" Mais, peut-être qu'on pourrait aller un peu moins loin ... C'est bientôt Noël, je voudrais tant voir un bonhomme de neige, un vrai ! Celui du livre de ma Grand' Mère, je ne peux pas lui parler, il ne me répond pas ! Dans les pages de ce livre, personne ne me répond, ni les passants, qui sont emmitouflés dans leurs manteaux et qui traversent les rues en se dépéchant, ni les enfants qui sortent de l'école : Ils sont bien trop occupés à patiner sur la glace !
Le bonhomme de neige, lui, on dirait qu'il boude ... Ou bien il ne sait vraiment pas parler ! Dauphin, gentil dauphin, c'est bientôt Noël ... Emmène-moi, dis, emmène-moi voir un bonhomme de neige ! "



Mais le dauphin dépose Petit-Louis ... sur la plage, là où la vague murmure. C'est à l "Anse-au-Sel", ou bien à l' "Anse Major ". L'air sent bon la cannelle et la vanille ...

Le dauphin est parti. Petit-Louis est triste, bien triste. Il crie, Petit-Louis, il crie :

-" Attends-moi ! Je voudrais tant voir un vrai bonhomme de neige ! "

                        ******
L'infirmière est là. Elle lui tient la main :

-" Là, là ! Calme-toi ! Ce n'était qu'un rêve ... Le jour va se lever bientôt. Regarde par la fenêtre, le ciel blanchit déjà. Les roussettes commencent à regagner leurs gîtes. Du calme, mon Petit-Louis. Bois un peu, cela te fera du bien. Tout à 'heure, Grand' Mère Elva va venir. "

Petit-Louis ne va pas mourir ... Mais non, Petit-Louis va guérir ! "



Ouvert à la dernière page, le livre est sur le lit. Le gentil dauphin a un grand sourire :

-"Alors, tu viens ? "

L'autre livre est fermé. Puisque le bohomme de neige ne veut pas parler, Petit-Louis l'a mis en pénitence.

-" Je veux voir un bonhomme de neige ! "

Sur la couverture du livre, on voit un traîneau qui glisse sur la neige. Il y a plein de rubans et de clochettes. Il est tiré par des rennes. Il y en a bien huit ou dix ! Le traîneau est rempli de paquets et de colis de toutes sortes : jouets à pousser, jouets à tirer, jouets à regarder, camions, poupées, bateaux, trains, avions ... Il y a aussi des bonbons et des chocolats pour les gourmands. C'est le Père Noël qui conduit. Il porte une cape rouge avec un col blanc en fourrure d'hermine. Sous la cape, il porte une longue robe, aussi blanche que la fourrure. Le traîneau file, dans un pays tout blanc et tout plat. Il y a des arbres d'un vert sombre. Ils sont pointus. Le traîneau file si vite que la neige gicle des deux côtés.

-" Père Noël, Père Noël ! Je vourais un bonhomme de neige.
Je voudrais juste voir un bonhomme de neige ! "

-" Je t'aurais bien emmené dans mon traîneau, Petit-Louis, mais il est plein à ras-bord ! TYu vois bien qu'il n'y a plus de place. Et puis, ce n'est pas encore tout à fait Noël ... Pardonne-moi, Petit-Louis, je dois me dépêcher ! "



Mais Petit-Louis va guérir. C'est le médecin qui l'a dit. Peut-être bien que c'est le Père Noël qui lui a rendu la santé, en passant dans son traîneau ?

_ " Allez, Petit-Louis, je ne t'oublierai pas, mais je dois vraiment me dépêcher ! "

Le Père Noël se tait maintenant. Il est toujours là, sur la page du livre, mais on dirait qu'il s'est éloigné ! Petit-Louis a beau tourner les pages, sur les images, les personnages ne parlent plus.

-"Dis, Grand' Mère, est-ce que tu crois que je verrai un bonhomme de neige ? "

Il essaie bien d'être raisonnable, Petit-Louis, mais allez donc essayer d'empêcher de rêver un petit garçon de cet âge !

                       *******
Maintenant qu'il est guéri, Petit-Louis se promène. Aujourd'hui, il arpente les quais du port de Victoria. Les gardiens l'ont laissé passer. Peut-être bien même, qu'ils ne l'ont pas vu du tout : Il est si petit !
Le long d'un quai, il y a un grand bateau qui vient de je ne sais où ... Peut-être bien qu'il partira en France, au Japon, en Russie ! Il y a des bateaux qui vont dans le monde entier !
Les cheminées fument, les palans tournent, chargent et déchargent des caisses, des paquets, par dizaines et par centaines ... Trois grandes caisses en bois sont restées toutes seules sur le quai ...

-" Et si elles allaient partir là-bas, sur ce grand bateau ? Mais oui, bien sûr, ces caisses, elles vont aller là-bas, dans un pays où les traîneaux glissent sur leurs patins, où les gens glissent sur leurs skis; un pays où l'on peut rencontrer le bonhomme de neige ... "



La derrnière de ces trois caisses est demeurée ouverte. Elle est vide. Petit-Louis se glisse à l'intérieur. La caisse est grande et Petit-Louis n'est pas bien gros ! Il a trois bananes, por manger pendant le voyage. Il rabat le couvercle de la caisse et il attend.
Combien de temps va durer le voyage ? On entend grincer des poulies, se heurter des colis ... Des hommes passent en parlant. Dieu, quelle heure est-il ? Il fait noir dans cette caisse ! Petit-Louis s'endort, certain qu'un palan va saisir la caisse et la descendre dans les cales du navire ...

-" Nous irons au pays du bonhomme de neige !"

-" Ce n'est pourtant pas grand' chose, ce que je veux, je veux seulement, pour mon Noël, voir un bonomme de neige ! "



Pendant que Petit-Louis dort dans sa caisse, Grand' Mère Elva le cherche partout ...

-" Vous n'avez pas vu Petit-Louis, mon petit-fils, celui qui était malade ? "


                       ******** Sifflets, cris, crachotements des machines, battements des hélices ...

-" Mais qu'est-ce que tu fais là, toi ? "

Le gardien du port a ouvert la caisse. Le quai est vide maintenant : Le grand bateau est parti. On l'aperçoit, loin déjà, qui se dirige vers la pointe nord de Praslin.
Toutes les caisses ont été chargées ... sauf celle-ci, puisqu'elle aurait dû être vide !

-" Qu'est ce que tu fais là-dedans ?"

-" O, Grand' Mère ! Je voulais tant voir un bonhomme de neige ! Tu sais, chez nous, on plante une branche de cèdre dans un pot, on y accroche des guirlandes et des ampoules électriques. On met du coton sur les branches pour faire comme s'il avait neigé. Et puis le Père Noël apporte ses cadeaux pendant la nuit. Moi, j'aurais tant voulu voir de la vraie neige ! J'aurais tant voulu faire des boules de neige et puis construire un vrai bonhomme de neige ! Je lui aurais fait des yeux avec des marrons. Je lui aurais mis une pipe dans la bouche, une vraie pipe, un vrai chapeau sur la tête, un foulard autour du cou et j'aurais placé un balai sous son bras.
O ! Grand' Mère ! Je ne verrai donc jamais un bonhomme de neige ? "



Que croyez-vous qu'il arriva ?



Radio-Seychelles avait organisé un grand concours pour Noël, un grand concours de belles histoires. Petit-Louis n'eut qu'à la raconter, sa belle histoire, la belle histoire d'un petit garçon qui avait été malade, et puis le gentil dauphin l'avait emmené jusqu'à l'île Silhouette, ou presque. Et puis le Père Noël dans son traîneau ... Et puis le bateau, et puis la caisse, et puis, et puis ... Et puis le bonhomme de neige que le petit garçon aurait tant voulu voir !



Au moment où vous lisez cette histoire, en ce moment même, savez-vous où se trouve Petit-Louis ? Il se trouve dans un avion, avec sa grand' mère Elva. Il emporte ses deux livres. Il va vers le pays des bonshommes de neige, Petit-Louis ! Peut-être bien qu'il reviendra en traîneau avec le Père Noël ? Ou peut-être sur le dos de son ami le dauphin ? ... Quand il reviendra du pays des bonshommes de neige ...


Et si mon histoire vous a plu ...
Un peu ... Beaucoup ?

Écoutez bien : C'est Noël. Les cloches vont sonner. Un petit enfant est sur le point de naître, un petit enfant nommé Jésus. C'est une très belle histoire qui commence là. Une étoile va guider les bergers jusqu'à la crèche de Bethléem, une étoile qui va aussi guider les Rois-Mages ... Ils se mettent en route, les Rois-mages et le bergers.

Noël ! Joyeux Noël ! Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté !

mardi 19 août 2008

LA ROUTE DE L'OCÉAN
















L'Océan est très grand. Il est presque tout plat, à peine courbé sur la ligne d'horizon. Il est tout bleu.

Juste au-milieu, il y a un récif tout blanc, rond comme un anneau. Dans l'anneau, il y a un lagon et au centre du lagon, il y a une petite île. C'est une petite île, mais elle est haute, comme une haute montagne. Elle est bordée de sable blanc, de cocotiers et de takamakas.

Aux flancs de la montagne, il y a des mahoganis et puis des albizzias. Tout en haut, il y a ...
Mais tu ne sauras pas ce qu'il y a en haut de la montagne : Il n'y a pas de sentier pour y grimper !
Sur cette île, il y a Petit-Jean. Petit-Jean habite une belle petite maison, dont le toit est de palmes. Tu ne sauras pas quelle est la couleur de la maison : Elle est cachées derrière les lauriers-roses et les bougainvillées. Il y a aussi des frangipanniers parfumés.

Dans cette île, il n'y a pas de routes. Il n'y a pas d'automobiles, ni même de chars à boeufs. Quand on veut aller chez son voisin, on utilise son petit bateau.

Chaque lundi, Petit-Jean va chez son voisin de droite. Chaque mardi, il va chez son voisin de droite. Son voisin de gauche a un chapeau pointu. Son voisin de droite ne porte pas de chapeau, mais il est barbu.

Petit-jean joue aux dominos, le lundi, chez son voisin de droite. Il joue aux cartes le mardi, chez son voisin de gauche. Tu ne sauras pas ce qu'il fait le mercredi et le jeudi, ni le vendredi, ni le samedi : On ne me l'a pas dit. Et le dimanche ? -Le dimanche, c'est chez Petit-jean qu'a lieu la partie : Une fois, c'est une partie de dominos, le dimanche suivant, c'est une partie de cartes. Tous les dimanches, il y a l'homme au chapeau pointu, il y a le barbu, il y a Petit-jean, il y a aussi Petit-Louis. Petit-Louis habite un peu plus loin, près de l'arbre aux "bil-bil". Lui aussi vient dans son bateau ...

Mais petit-Louis est fatigué de ramer, surtout quand le vent souffle.

-" Si nous construisions une route ? "

-" Une route ! Pour quoi faire ? "

-" Nous aurions chacun une automobile. Une automobile, ça roule tout seul, comme son nom l'indique. C'est moins fatiguant qu'un canot avec ses avirons ! "



Le lundi matin, au lieu d'aller jouer aux dominos, l'homme au chapeau pointu commence à construire la route, avec une pelle, une pioche et un râteau.Elle doit aller jusque chez Petit-Jean.

Le mardi matin, au lieu d'aller jouer aux cartes, Petit-Jean en fait autant, en direction de la maison du barbu.

Le mercredi matin, le barbu commence aussi à tracer une route dès potron-minet. Elle doit aller jusque chez Petit-Louis.

Le jeudi matin, tous les habitants de l'île en font autant, tout autour de l'île.

Le samedi soir, la route est finie. Elle court entre les frangipanniers et les bougainvillées.




Petit-Jean achète une auto rouge. L'homme au chapeau pointu achète une auto bleue. Le barbu en a une verte. CVelle de Petit-Louis est toute blanche.
Tu ne sauras pas comment sont les autos des autres ... Mais si ! Tu n'as qu'a les imaginer !


Le dimanche matin , dès que le soleil se lève, chacun monte dans son auto. Petit-Jean, Petit-Louis; le barbu et aussi l'homme au chapeau pointu ! Tout le monde démarre à la fois. C'est comme un vrai manège tout autour de l'île, de toutes les couleurs !


Le barbu va chez Petit-Jean, mais ... comment s'arrêter ? ... Petit-Louis arrive par derrière, et les autres aussi ... Il aut bien avancer ! Alors, le barbu continue, et ls autres aussi ! Quand le barbu arrive chez l'homme au chapeau, c'est le même problème ... Comment s'arrêter ? ... Il continue ... Et les autres aussi !

Alors, toutes les voitures roulent, roulent, sans jamais pouvoir s'arrêter !
Petit-Jean appuie sur son avertisseur. Tous les autres en font autant. Cela fait tant de bruit que tous les oiseaux s'envolent, même " Madame Patton" aux longs pieds, au long bec et au long cou, tout de blanc vêtue ... Tous les oiseaux en font autant : les martins, les aigrettes, les cardinaux et les paille-en-queue. C'est beau ! C'est beau !

Mais, le soir venu, chacun voudrait bien dormir ! Comment s'arrêter ? Mais comment s'arrêter ?

Deux jours se passent, et puis aussi deux nuits ... On ne peut plus jouer aux dominos ou aux cartes ...



Un policier allume une lampe verte. Les autos roulent toujours. Il en allume une rouge, les autos s'arrêtent : Il n'y aplus une goutte d'essence dans les réservoirs. Il n'y a plus d'essence et chacun, en bâillant, va rejoindre son lit. Le dimanche, chacun va jouer aux dominos, mais chacun y va ... en bateau !


Les autos sont toujours sur la route. Vous pouvez les y voir, au beau milieu. Elles sont vides .
Chaque année, pour Noël, on y verse un peu d'essence ... Juste ce qu'il faut ... On roule à la queue-leu-leu, tout doucement pour ne pas effrayer les oiseaux. Par les fenêtres, en passant, on cueille des oranges, des fruits de la passion, des pommes-cythère. On cueille aussi des fleurs.


La lampe du policier s'allume, tout en haut de a montagne où on l'a placée ... Je ne vous dirai pas comment on a fait pour y grimper !
La lampe est tantôt verte, tantôt rouge. Le paille-en-queue font des guirlandes au-dessus des albizzias et des takamakas. Mon Dieu, que c'est beau !

Et l'on tourne jusqu'au Premier de L'An !
Après, chacun reprend son bateau !

LES TORTUES











Les tortues ... Ah ! Les tortues !

Avez-vous remarqué que la carapace qu'elles portent sur le dos est une coque retournée ... Une coque de canot !



Je ne connais rien de plus triste qu'une tortue géante. Son dos est sombre comme un jour de deuil, entaillé de cicatrices dûes aux chutes sans nombre dans les rochers. Ses pattes sont couvertes d'écailles et son cou est long, long, tout maigre, tout plissé, tout ridé. Sa tête n'exprime rien. Elle est muette, ses yeux sont perdus en d'autres mondes, en d'autres temps ...

La tortue fait peu d cas du visiteur. Elle fait aussi peu de cas de tout ce qi l'entoure. Elle dort, pendant des heures, au creux d'un rocher. Elle mange, de temps à autre, à peu près tout ce qu'elle trouve. Mais elle peut vivre sans manger, longtemps, longtemps ... Elle boit, quand elle trouve de l'eau ... Mais elle peut rester sans boire, longtemps, longtemps ...

Qui disait que les tortue sont éternelles ? On en connaît qui ont plus de trois cents ans ! ... Des tortues qui seraient nées bien avant que les îles de l'Océan Indien ne voient arriver les premiers grands voiliers.

Mais les tortues sont indifférentes. Elles ne craignent que le soleil, dont la chaleur est épouvantable sous leur carapace. Elles vivent comme des mécaniques, au ralenti et ... elles rêvent ! Lorsqu'elles avancent, elles vont droit devant elles. Si elles rencontrent une roche, elles l'affrontent sans la contourner. Elles poussent, elles poussent ... et si la roche ne bouge pas, elles se couchent là et ... elles dorment ! Si elles rencontrent une ravine, elles y tombent. Elles roulent, elles roulent ... Arrivées en bas, elles reprennent leur chemin, tout droit. D'où ces cicatrices, dont les bords sont boursopuflés pafois, comme celles que l'on peut voir à l'écorce des vieux arbres.

O ! Vieux Capitaines ! En quels lieux, en quels temps vos vaisseaux vous abandonnèrent-ils ? Les carapaces portent les marques des coques qui se brisèrent aux récifs, recollées, rejointées, recalfatées.

Puis des hommes sont venus en ces îles du bout du monde. Grincements de poulies, cris des porteurs d'eau, éclats des mousquets et des canons ... Les tortues s'en sont allées vers d'autres îles ... d'une île à l'autre, et encore à la suivante.
Aldabra reste le refuge des vieux Capitaines naufragés. Aldabra ... anneau de corail mort, posé sur l'Océan ... Des buissons qui assurent l'ombrage nécessaire ... Des feuilles pour se nourrir, là ou ailleurs ... ! Les tortues géantes se sont regroupées là-bas. Elles son t toujours lentes, songeuses, indifférentes ...

Aldabra ! Les vieux Capitaines ne s'y retrouvent pas tous ! Les îles Galapagos, dans un autre océan ...

dimanche 17 août 2008

MARCO POLO











Sur son île, qu'il n'avait jamais quittée tout au long de sa vie, un vieillard, un jour, riait : Pendant sa longue existence, il en avait vues, des nouveautés surprenantes ! Il avait souvenir encore des longues expéditions sur les sentiers de montagne pour quéter, entre les arbres et les arbustes, tantôt un régime de bananes, tantôt des oranges, ou bien encore des goyaves ...

Il avait mémoire encore des simples abris de palmes tressées qu'un coup de vent suffisait à emporter. Il gardait le souvenir des longues journées et des effrayantes nuits que l'on passait à pagayer, pagayer, pagayer ... assis dans une pirogue qui n'était guère qu'un tronc d'arbre creusé. Pour voiles, on se servait de nattes de pandanus. Pour se guider, on regardait les étoiles. Il avait connu le culte des dieux et le culte des morts ... et le culte des dieux qui dévoraient les vivants et les morts !

Le vieillard riait, assis à l'ombre d'un manguier.

Il avait vu arriver les grands bateaux à voiles et puis ceux qui naviguaient sans se soucier du vent, respirant la fumée. Certains même ne fumaient plus qu'à peine et il semblait que, de leurs cheminées, ne s'échappait plus que la fumée des cuisines.

Des flancs de ces gros navires en acier, de longs bras articulés peints en jaune ou en gris extrayaient des colis, des paquets, des boîtes ... et même des réfrigérateurs et des automobiles.

Lorsqu'un navire était à quai, une foule en descendait, hommes et femmes pâles, court- vêtus. On leur vendait des coquillages et des fruits, puis ils repartaient vers d'autres îles. Les colis restaient là, et les réfrigérateurs et les automobiles.

Le vieillard avait vu construire des routes. Il avait même vu construire une piste, sur laquelle étaient venus se poser d'immenses et étranges oiseaux, métalliques eux-aussi.



Un jour, le vieux vit arriver du fond de l'horizon un monstre qui lui parut hallucinant ... Cela flottait, et c'était donc un bateau peut-être ... Cela n'avançait pas très vite, à dire le vrai, mais cela avançait ... Cela fumait. On reconnaissait difficilement la cheminée, perdue au-milieu de structures métalliques étranges : bras, tentacules, échelles antennes, pinces, mandibules ...Et même des yeux à facettes ! Un monstre sorti des enfers !

Quand il s'arrêta, tout près de l'aéroport, à une encablure des rochers, il eut des comportements inquiétants : avec des jets de vapeur, des sifflements, des chuintements, des crachotements, sur un fond de grognements rauques, entrecoupés de sonneries stridentes, le monstre faisait jouer ses appendices et les éléments de sa carcasse. Les vérins coulissaient, les palans tournaient, des vis énormes descendaient dans la mer.

Le vieux n'avait pas peur. Tout au long de son existence, il avait assisté à bien d'autres spectacles ! Il avait contemplé bien d'autres sorcelleries ! C'était encore un nouveau tour de la Technique !

Le vieux ne s'était pas trompé. La drague, car c'en était une, se mit à ronger le récif de corail, sous les eaux. Elle le broyait et rejetait par d'énormes tuyaux une innommable bouillie blanchâtre, épaisse. Elle rongeait à bâbord. À tribord, on remblayait ... Rien de moins ! La drague était en train de creuser d'un côté pour remblayer de l'autre.

Au bout de quelques heures, le travail avait pris forme. Au bout de quelques jours, les remblais se seraient allongés. On ne jetait pas la montagne dans la mer, on creusait le rivage pour construire dans le lagon des terrains plats !

Le vieillard avait compris. Nullement effrayé, il se mit à somnoler. Il finit par s'endormir pour de bon. Il ignorait, et je l'ignore aussi, depuis combien de temps il dormait lorsqu'il s'aperçut qu'une chose étrange était en train de se produire ...



C'était la nuit. Tout l'équipage de la drague avait débarqué, allant sans doute s'engouffrer dans quelque hôtel ou dans quelque bar. Une lanterne restait allumée dans les superstructures. Il n'y avait plus personne à bord. Et puis tout à coup, Marco Polo,
( c'était le nom de cet engin qu'on hésite à désigner sous le nom de bateau ... ) Marco Polo eut un frisson, un long frisson qui courut tout le long de sa coque. Pas de doute, de lui-même, tout seul ... il prenait vie !
Des vérins qui coulissent, une respiration qui devient de plus en plus profonde, qui halète un peu ... Des câbles qui s'enroulent, des tuyaux qui se déroulent, la vapeur qui gicle, un sifflet qui retentit, des pièces qui s'articulent et se désarticulent ... Qui a largué les amarres ?


Marco Polo s'ébranle ... Marco Polo s'enfonce ... Marco Polo disparaît sous les flots ! On ne le voit plus, on ne l'entends plus ! il est parti en entraînant derrière lui tous ses câbles, tous ses tuyaux !
Rien. Il ne reste rien sur le rivage, auprès des rochers ...
L'eau s'était agitée un peu. Elle s'est calmée très vite. On voit seulement un nuage de corail broyé en suspension dans la mer. Il se développe, enfle, s'étale à la surface, blanchâtre, dévorant le bleu de l'océan : Marco Polo continue à ronger tout ce qu'il rencontre sous la mer !



Un avion passait par là, cherchant le terrain sur lequel il aurait dû se poser ... Il n'y avait plus de terrain ! Il lança l'alarme. Ce fut lui qi, le premier signala ce gros nuage en suspension dans l'océan, grisâtre, et qui allait en s'étalant.

Il est vrai qu'à ce moment précis, les riverains commençaient à s'apercevoir qu'une étrange matière recouvrait leurs plages, leurs rochers et leurs récifs. Tout ce qui était vivant en ces endroits mourait ou était mourant ... Tout, absolument tout : les poissons, les coraux, les coquillages, les crustacés, les mollusques ... Cette bouillie qui se déposait asphyxiait toute vie. Les oiseaux eux-mêmes disparaissaient, faute de trouver encore leur nourriture dans les creux des rochers. Et puis, et puis ... Le vieux sentit le sol trembler sous son corps allongé ... La drague invisible était en train de dévorer l'île même où il se trouvait, tout au fond, sous les flots ! Combien de temps lui faudrait-il pour creuser la grotte, l'énorme caverne dans laquelle tout allait s'abîmer ?



Ce fut alors que le vieux s'éveilla. Il en tremble encore ! C'est lui qui me l'a avoué, lui-même, que j'ai rencontré à l'endroit où nous nous trouvons en ce moment et où je suis en train de vous raconter cette histoire.

Le vieux se réveille ... Marco Polo est là, bien amarré, tout est calme, une lumière brille dans les mâts. Le vieux repart chez lui en passant par la plage. Il songe ...


Quel gigantesque "Marco Polo", immergé depuis des siècles sous l'océan ... Quel gigantesque "Marco Polo", invisible, têtu, obstiné, a bien pu broyer toutes ces coquilles, toutes ces roches, dont sont faits les sables de la plage ? Sans doute poursuit-il toujours son ouvrage ... Comment expliquer autrement que chaque vague apporte, encore et toujours, sa charge de sable sur la plage ?

vendredi 15 août 2008

SAINT ANTOINE DE PADOUE






Eh bien ça alors, pour une histoire, cela a fait toute une histoire dans le pays !


Il faut dire, Monsieur ... Ici comme ailleurs, quand on a perdu quelque chose, c'est à Saint Antoine de Padoue que l'on va adresser ses prières ... Pouvez-vous seulement me dire pourquoi ?
Dans le monde entier c'est ainsi. Il y a certainement une raison pour cela .


Dans notre église, Saint Antoine de Padoue a sa statue. Une belle statue ma foi. Qui fait bien plus d'un mètre de hauteur. Elle se trouve à droite de l'autel ... Vous n'êtes jamais entré dans notre église ? Celle de la paroisse de l'Assomption ... Ne manquez pas d'y entrer lorsque vous viendrez chez nous. En débarquant du bateau, au petit port, vous prenez le chemin qui est sur votre droite. Vous ne pouvez pas vous tromper : L'île n'est pas si grande ... Comment voudriez-vous vous perdre ?

Dans le bateau qui vous amènera de l'île voisine, il y aura certainement des touristes, ( une demi-heure de traversée ) Les touristes monteront sans doute dans les chars à boeufs ... Eh oui ! C'est avec des chars à boeufs que l'on se déplace, chez nous, ou bien on peut louer une bicyclette. Les automobiles sont interdites.

-" Doucement, doucement ... Dans une charrette ... ou bien à bicyclette ..."

Dans cette île, on se déplace doucement.

"Sous les cocotiers et les takémakas ..." C'est la chanson qui le dit, et le chanteur s'accompagne à la guitare. Mais vous pouvez aussi bien vous déplacer à pied. Il n'y a jamais bien loin à aller.


L'église se trouve du côté gauche, quand vous avez dépassé l'école. Elle est peinte en jaune et porte une inscription en blanc au-dessus du portail : -" MAISON DE DIEU "

Entrez-y le matin, lorsque les premiers rayons du soleil la caressent à l'est : Les vitraux sont splendides à ce moment-là. Vous admirerez l'autel, tout en bois précieux, travaillé de balustres et de colonnettes. Aux arrondis, la lumière joue sur les vernis. C'est une impression de grande douceur et de grande paix. Asseyez-vous sur l'un des bancs des travées, alors que la fournaise embrase le chemin à l'extérieur. C'est une étape de fraîcheur et de recueillement.

Prenez le temps : Dans notre île, on vit "doucement ... doucement ".


Tout est propre, dans notre église, tout est doux. C'est Paulette qui entretient l'église. Vous la rencontrez sans doute et , sans doute sera-t-elle en train de disposer des fleurs dans les vases, au pied de l'autel : Des bougainvillées, des hibiscus, et probablement quelques uns de ces grands lys qui poussent dans tous les jardins, et dont les fleurs s'ornent de violet. Eh bien, justement ... C'est à cause de Paulette que toute cette histoire a commencé ... Et pourtant, Dieu sait si Paulette est pieuse et dévouée ! ... C'est la femme du boulanger ... Si, Si, chez nous, il y a un boulanger ... Vous le trouverez bien, dans sa boutique !


Mais Paulette, c'est à l'église que vous la rencontrerez : Elle y passe les trois quarts de son temps. Parfois avec un "balai-zig", elle entretient les abords du portail. Parfois, avec un " balai-fatak ", beaucoup plus souple, elle balaie le sol de l'église. Si elle n'est ni en train d'arranger les fleurs, ni en train de balayer, elle sera sans doute occupée à faire briller les boiseries, ou bien à passer un chiffon doux, soigneusement, soigneusement, sur une statue ou sur une autre : Alors vous la trouverez perchée sur un escabeau.


Ah les statues ! Ah Paulette ! ... C'est à propos de la statue de Saint Antoine de Padoue, que toute cette histoire a commencé. On a bien fini par en rire, mais on avait commencé par avoir bien peur ...


A droite de l'autel, donc, c'est là qu'elle se trouve, cette statue. Peut-être y verrez-vous prier quelqu'un ou bien quelqu'un y aura-t-il déposé une fleur ;.. L'ancien Abbé disait qu'il fallait prier Saint Antoine quand on avait perdu quelque chose. C'est peut-être pour retrouver une clef perdue que cette femme prie ? Ou encore pour un collier égaré ? Ou pour un billet, que le fils a perdu et qui aurait été bien nécessaire pour acheter le riz à la boutique ..;
L'Abbé que nous avons maintenant, il est là depuis cinq ans. C'est un Breton : -" Priez, priez toujours ... devant Saint Antoine ou devant la Vierge Marie, c'est toujours le Bon Dieu que vous priez ! ! Alors, pourquoi le Bon Dieu ne vous ferait-il pas retrouver ce que vous avez égaré ? "


Mais Paulette ... Que vient faire Paulette, dans toute cette histoire ?


_" J'y arrive. J'y arrive. Ne soyez pas impatient : -" Doucement, doucement. "

-"Eh bien, Paulette ? Vous l'avez vue, Paulette, vous ?- Je ne sais pas quel âge on pourrait bien lui donner ... Cinquante cinq ? Soixante ? Qui me disait soixante dix ? Je ne sais pas. Je ne sais pas ! Elle est toujours vêtue de blanc, tout de blanc ... aussi blanc que la farine de son boulanger de mari ! Car, vous vous en souvenez, Paulette, c'est la femme du boulanger ... Elle a un merveilleux sourire, et le visage luisant de bonté ! Qu'importe son âge, elle se tient droite comme un i ...

Cela fait, cela fait je ne sais pas combien de temps qu'elle entretient notre église, tous les jours. Je suppose qu'elle fait cela pour le rachat de son âme et le rachat de l'âme de tous les siens ... Eh bien voilà ... J'y arrive ! "



La première fois, c'était un samedi, un samedi soir, à l'heure du rosaire. Arrive une première paroissienne, puis une seconde, et puis les enfants ... Et puis tout un monde, en robes à volants, grands chapeaux et souliers vernis ... Chacun a trempé le bout de ses doigts dans l'eau du bénitier ... Celui qui se trouve à droite de l'entrée, ou bien celui qui se trouve à gauche ... Et tous les deux sont d'énormes coquillages.



On s'agenouille, tête baissée, et l'on prie. Et puis le prêtre arrive, en surplis blanc à croix rouge incarnat. On relève la tête dès que l'enfant de choeur agite sa sonnette et ... Je ne sais pas quel est le premier qui s'en aperçut ...

Un murmure a couru dans les travées des bancs ...

-" Saint Antoine, Saint Antoine ! "

-" Saint Antoine ? Eh bien quoi, Saint Antoine ? "

Le prêtre faisait face aux fidèles. Il tournait donc le dos à Saint Antoine, lui ... Il ne pouvait rien voir. Il arrête sa lecture un instant. Il relève le nez de son missel : Quel était donc ce chuchotement dans les travées ? Comme cela ne finissait pas, le prêtre regarde ses ouailles, d'habitude si recueillies et si disciplinées ... Même Marie-Thérèse qui chuchote et qui pousse du coude sa voisine Marguerite. Et pourtant, Marie-Thérèse ! - Rendez-vous compte, la responsable de la chorale !

-" Eh bien quoi, Saint Antoine ? "

L'abbé se retourne : il reste muet, la bouche ouverte ... Saint Antoine, aujourd'hui, tourne le dos ! On lui a mis le nez au mur ... comme à un gamin en pénitence ! Paulette, probablement, aura oublié de retourner la statue dans le bon sens après lui avoir dépoussiéré le dos ...

- " Prions, mes frères ..."

Et le chant débute. - Ce n'était pas bien grave ! ... La prière terminée, Saint Antoine effectua un demi-tour et adopta une attitude plus convenable ... On n'en parlerait plus et, par charité chrétienne, on s'abstiendrait de faire un reproche à Paulette et même de la questionner. - Allez donc faire un reproche à une femme si dévouée ! - N'en parlons plus, n'en parlons plus !


Ah bien oui, n'en parlons plus ! ... C'est que, le lendemain ... Qui était un dimanche ( bien sûr, puisque c'était le lendemain d'un samedi ! ) Quand on entra dans l'église, à l'heure de la messe ... Et je crois bien que c'est Marie-Thérèse qui était entrée la première, Marie-Thérèse, la directrice de la chorale ... Quand Marie-Thérèse entra, Paulette était déjà là, bien sûr, affairée, disposant les missels sur les chaises ...

-" Mais .... Saint Antoine ! "

- " Eh bien quoi, Saint Antoine ? "

Eh bien, Saint Antoine avait encore le nez contre le mur, comme si on l'avait mis en punition et c'était son dos qu'il montrait aux fidèles, son dos revêtu de la soutane brune ...

Ah ! Saint Antoine ! Et sur sa nuque, on voyait la tonsure qui luisait ...

On se tourna vers Paulette. Paulette avait disparu. Elle était introuvable ... Mais où était donc partie Paulette ? C'était bien la première fois qu'elle désertait l'église au moment de l'office ! Elle était pourtant là tout à l'heure, distribuant les missels au moment où Marie-Thérèse faisait son entrée ...

Bon, il n'y avait pas de quoi faire toute une histoire. Quelqu'un grimpe sur l'escabeau. Saint Antoine fait demi-tour, et tout est en place avant l'arrivée de Monsieur l'Abbé. La messe commence.

- " Tiens, mais elle est là, Paulette !, à sa place habituelle, au tout premier rang. Elle est là, la femme du boulanger ! On se pousse du coude un peu, on chuchote, mais Paulette est tout entière plongée dans la prière, le nez dans son missel ...
Chantez, fidèles !

La messe se dit ... Toutefois, Paulette n'a pas communié ... Quelqu'un s'en est-il aperçu ? _ L'abbé s'en est forcément aperçu, il n'a pas pu faire autrement que de s'en apercevoir ..;

- " Allez, la messe est dite ! "

Encore un cantique à chanter, et puis ... Tous les regards se tournent vers Paulette. La place est vide ! Paulette est partie !

- " Tiens, tiens, ce n'est pas dans ses habitudes ! "

Bon, ce n'est pas dans ses habitudes, c'est vrai, mais i n'est pas non plus dans ses habitudes de sauter dans le bateau et de se rendre à Victoria ... C'est pourtant ce qu'elle fait dès le lundi matin ... Et elle ne reviendra que le samedi suivant ...



- " Compère boulanger, mon bougre ... Elle est donc partie, la Paulette ? "

Le boulanger, on n'en tirera pas un mot mais, après tout, on n'avait pas à se montrer curieux ! Arrive le samedi : C'est alors une toute autre histoire !


À l'heure de la prière, Saint Antoine de Padoue ... Figurez-vous, il n'est pas en pénitence cette fois-ci, le dos au mur ... Il a disparu tout à fait. Sa place est vide !


Vous parlez d'une affaire !

On cherche Paulette : Elle n'est pas à la prière. On se rend à la boulangerie. Ce bougre de boulanger répond que sa femme a les fièvres, qu'elle dort. On ne peut pas la déranger ... Et vous savez, le boulanger, il ne faut pas trop l'indisposer : Le sang lui monte vite à la tête ! _ On repart donc chacun chez soi, mais les langues vont bon train ...


Vient le dimanche. Personne encore n'a revu Paulette. Mais, à l'heure de la messe, personne ne voit Saint Antoine non plus !

- Pas de saint Antoine, la place est toujours vide ! Le prêtre, cependant, dit la messe, avec ou sans Saint Antoine, il faut bien que la messe soit dite ... Mais dès qu'elle sera finie, il faudra bien aussi que l'on sache à quoi s'en tenir !

-"Ah, bien oui !, on allait voir ...Ce qu'on allait voir !"

Tous les fidèles, petits ou grands, grand'méres et grands-pères, même le Curé ... Tout le monde se retrouve devant la boulangerie;


-" la Paulette ? - Elle est toujours au lit."

Tout à coup on entend un cri :

-"Regardez, regardez ce que j'ai trouvé ! "

C'est Marie-Thérèse qui a poussé ce cri. Pendant que personne ne faisait attention à elle, elle rôdait dans l'arrière-boutique du boulanger. Elle est passée dans le fournil. Mine de rien, et sans que personne ne s'en aperçoive ...

-"Ah ! Bien ça, alors !"

-Il était là, le Saint Antoine, Saint Antoine de Padoue ... tout enfariné comme un grand pain. Il était là, dans le coffre à farine du boulanger ... tout allongé dans la farine !

-"Ah, bien ça alors !"

On vous le sort de là en le prenant dans les bras comme un grand blessé et on le remporte à l'église, à sa place, à droite de l'autel.


À midi juste ... Regardez la statue à midi juste : un rayon de lumière traverse le vitrail du fond de l'abside, celui qui es bleu. Ce rayon de lumière vient caresser la joue de Saint Antoine. Il éclaire son oreille droite. Oh, il ne l'éclaire pas longtemps ... Regardez bien. Le soleil va tourner ! Voyez-vous, là, juste dans le creux de l'oreille ... Il reste de la farine encore un peu.

-"Mais ? "

-" Eh oui, bien sûr, c'était Paulette, tout le monde l'avait deviné ! Mais que voulez-vous ? Pouvait-on lui en vouloir ? Elle avait commencé, cette histoire, bien doucement, bien gentiment ... Comme elle avait perdu sa poule, sa poule noire, celle qui pondait un oeuf chaque matin, régulièrement ... Comme elle avait perdu sa poule noire, elle était venue prier le grand Saint Antoine, bien gentiment. Et puis, comme elle ne retrouvait toujours pas sa poule, elle lui avait offert des fleurs, à Saint Antoine, et je crois bien qu'elle lui avait même allumé une bougie "...


-" Vous croyez que c'était bien, de la part de saint Antoine, de ne pas lui rendre sa poule, à Paulette ? À elle qui venait tous les jours entretenir l'église ... À elle qui ne manquait jamais ... et Dieu m'est témoin du grand danger qu'elle courait ... Vous croyez que c'était bien, alors que Paulette montait sur un escabeau pour lui essuyer le crâne, à Saint Antoine, là où il y a la tonsure et où il n'y a pas de cheveux ...

Pourquoi ce grand saint ... alors que ça lui était si facile ... ! Et puis, c'est son travail, après tout ! Peut-être bien que Saint Antoine a réfléchi, et peut-être bien qu'il est là, le miracle : C'est que Marie-Thérèse ait soulevé le couvercle du coffre à farine. Et qu'on l'ait retrouvé, Saint Antoine ! Depuis, il n'a plus bougé de sa place, à droite de l'autel en bois verni. Et on le prie toujours, à chaque fois que l'on a égaré quelque chose. Certains disent que la leçon lui a été profitable et que, depuis, les prières sont exaucées beaucoup plus vite !

En tout cas, Marie-Thérèse avait à peine soulevé le couvercle du coffre à farine, Saint Antoine avait à peine retrouvé sa place, que la poule de Paulette était revenue ! Vous pouvez y aller voir : tous les matins, à huit heures précises, elle a pondu son oeuf et elle se perche sur le toit pour caqueter. Elle caquette presque autant que les vieilles femmes ... et souvent les plus jeunes aussi ! Et les garçons, alors !

Quelqu'un à qui j'avais raconté mon histoire m'a dit qu'il fallait la situer à La Digue, et que c'était de l'église de La Digue qu'il était question ...

-Peut-être bien que non, peut-être bien que oui ...

-" Doucement, doucement ... Avec nos charrettes et nos bicyclettes, sous les cocotiers et sous les takémakas ...


- Mais, si ce n'était pas à La Digue, ( ça pourrait l'être, non ? ) Il suffit de l'imaginer ... Pourquoi pas ?

En tout cas, regardez dans la "Maison de Dieu", à droite de l'autel : Saint Antoine est là. Je ne sais pas si vos verrez encore les traces de farine, derrière son oreille droite ... Regardez bien !


Connaissez-vous l'île de La Digue ?


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