mercredi 29 octobre 2008

LE CARDINAL DE MADAGASCAR












Le grenadier de mon jardin est en fleurs. Est-il couvert d'oiseaux ou bien est-il couvert de fleurs ? On ne sait pas très bien car l'oiseau Cardinal et la fleur du grenadier sont de la même couleur rouge-ponceau. Le fruit, lui, coeur trop plein d'amour se fend et saigne quand il est bien mûr ...

Quant à l'oiseau qu'on appelle Cardinal, et qui est effectivement de la même couleur que la calotte d'un prélat ... Saviez-vous que le Cardinal est réellement l'oiseau du Christ ?

-" Laissez voleter les oiseaux du ciel ... Ils n'ont pas à se préoccuper de leur pitance : Le Bon Dieu y pourvoit ! "

Dans la communauté des oiseaux, il y en a de blancs, il y en a de noirs, il y en a de gris, et même on connaît des oiseaux bleus ! Mais aussi, O merveille, il y en a qui sont versicolores ! ... Cela signifie qu'ils changent de couleur. Tel qui était gris deviendra blanc adulte devenu, tel autre qui était jaune deviendra bleu ! Certains changent de couleurs au fil des saisons.

Le Cardinal, (on le dit Cardinal de Madagascar ) lui, porte successivement au cours de la même année un vêtement de deuil puis un habit de cérémonie : livrée terne, puis jacquette écarlate. J'entends ici parler du Cardinal mâle, car la femelle conserve blouse grise tout au long de l'année.



- " Mais que nous chantez-vous là ? "



- " je ne vous dis que la vérité : Il suffit de bien observer ! En novembre, le Cardinal se vêt d'écarlate. Si vous êtes très attentif,vous remarquerez que, pour se parer, le Cardinal attend le lendemain de ... La Fête des Morts " ... Laquelle arrive juste après celle de la Toussaint ... Dame, il ne serait guère convenable d'endosser ses habits de fête avant d'avoir célébré la mémoire des morts !"



-" Vous voulez dire que le Cardinal porte le deuil ? "

-" Cela me semble évident. Il garde son plumage triste, gris-brun, jusqu'à la Fête des Morts ! "



Je parlais donc du grenadier de mon jardin : Il a fleuri. Voici venir l'Avent ... Quatre dimanches avant que ne se fassent entendre les carillons de Noël. Le Cardinal est en fête, rutilant comme les fleurs du grenadier !

Noël, c'est la joie. Viendra l'Épiphanie. Saint Nicolas est vêtu de pourpre, les Rois-Mages aussi ! Ce n'est qu'en avril que le Cardinal remettra ses habits de deuil.
Le Cardinal, c'est l'oiseau du Christ ! ... Souvenez-vous; souvenez-vous ...

" En ce temps-là, Jésus fut cloué sur une croix. Sur un écriteau, on avait écrit : " Voici le Roi des Juifs".
À droite, on avait planté une autre croix de bois. Il y en avait une troisième à gauche. Sur chacune de ces deux autres croix, on avait cloué un voleur. Souvenez-vous : Marie pleurait, à genoux, et Jean, et Marie-Magdeleine. L'un des deux larrons croyait en Dieu :

-" En vérité, je te le dis, tu seras sauvé et tu seras assis à la droite de Dieu, avec les bienheureux ! "



Jésus souffrait. Il appela son père : 

- " O ! Père, pourquoi m'avez-vous abandonné ? "



Le tonnerre éclate. Les éclairs zèbrent les cieux. La terre tremble. Jésus se meurt ... Jésus est mort.



Au moment où il rend son âme à Dieu, je veux croire qu'apparaît la colombe, messagère de l'Esprit-Saint. Un soldat romain pique Jésus au flanc, de la pointe de sa lance ...

Tout ce que je vous raconte là, nul ne peut le contester, c'est bien vrai : c'est écrit dans les Évangiles. Ce que je vais vous raconter ensuite, peut être ne s'agit-il que d'une belle histoire. Mais, si c'est une belle hstoire, pourquoi est-ce que je ne vous la raconterais pas ?


Cela commence au moment où le soldat romain pique le flanc du Christ. De la plaie, tombent deux gouttes. La première est une goutte d'eau. La seconde est une goutte de sang. Deux larges gouttes ... Une goutte claire, une goutte vermeille ...

Il ne faut pas qu'elles tombent et se perdent sur le sol !

-" Miracle, crie le Bon Larron en rendant le dernier soupir ! "

Avant qu'elles n'aient touché terre, les deux gouttes ont déplié des ailes ! Elles se sont envolées ! Toutes les deux sont devenues des oiseaux du Christ. L'un était rouge, et c'était le mâle, l'autre était gris, et c'était la femelle. Tous les deux sont allés se poser sur la branche d'un grenadier.

Et c'est depuis ce temps-là que le fruit du grenadier, coeur trop plein d'amour, se fend au soleil, et saigne. C'est aussi depuis ce jour-là que les fleurs du grenadier ont les mêmes couleurs que le Cardinal mâle en habit de fête !



-" Mais pourquoi appelle-t-on ce petit oiseau le Cardinal ... de Madagascar ? "

-" Ce serait encore une belle histoire ... Faut-il y croire ? Faut-il y croire ?



-"Allez dans le monde entier, et prêchez la Bonne Nouvelle : Jésus est ressuscité ! " dit le Christ à ses apôtres ...



Avant de se poser sur le grenadier, les deux oiseaux se seraient posés sur la main droite de Jean ... d'autres disent que c'est sur la main de Marie-Magdeleine ... Allez donc savoir !

Vous avez entendu parler de Saint François d'Assise ? Au treizième siècle, on disait en Italie qu'il était "le Petit Frère des Pauvres". On dit qu'il était tant aimé de tous que chacun accourait pour le voir et pour l'écouter. On dit même qu'il parlait aux oiseaux, ses " Petits Frères du Ciel " !


Parmi les oiseaux qui venaient l'écouter, il y avait ... Les Cardinaux ! Cela ne fait aucun doute;

Les douze apôtres ayant parcouru le monde entier, sur la main duquel d'entre eux le Cardinal était-il arrivé en Italie ? Et puis, et puis ... C'était au monde entier qu'il fallait porter la Bonne Nouvelle. Et je crois bien que c'est ... le Cardinal, ce petit oiseau à la livrée versicolore ... Je crois que c'est le cardinal qui, ayant bien écouté le sermon de Saint François d'Assise, partit le premier vers l'Océan Indien pour dire à chacun :

-" Christ est ressuscité ... Aimez-vous les uns les autres ... "


Jetez du riz, petits enfants, jetez du riz. Les Cardinaux viendront le picorer. Qu'ils soient rouges, qu'ils soient gris ... Jetez du riz pour les oiseaux du Christ !

mardi 21 octobre 2008

LA BOUTEILLE DE JEAN-BAPTISTE



C'est une histoire que ma grand'mère me raconte, le soir; lorsque le soleil se couche derrière l'île Silhouette et que nous sommes assis sur le sable blanc. La mer est douce comme du lait. Le vent sent la cannelle et la girofle.

Je ne sais pas où, je ne sais pas dans quel pays se passe cette histoire : C'est peut-être ici, c'est peut-être ailleurs ...

Il était une fois ... Toutes les histoires commencent ainsi, n'est-ce pas ?
Il était une fois un petit garçon qui s'appelait Jean-Baptiste. Il était très brun et il avait dix ans. Il avait de beaux yeux, surprenants car ils étaient tout bleus. Il avait de longues jambes, quand il marchait, on eût dit qu'il dansait.



Depuis longtemps, Jean-Baptiste n'avait plus de maman. Il est plus triste encore d'apprendre que le papa de Jean-Baptiste est mort ce matin. Pour tout héritage, Jean-Baptiste a trouvé une bouteille, une grosse bouteille en verre.

-" Que voulez-vous qu'il en fasse ? "

Que peut-on bien faire avec une grosse bouteille en verre ? Jean-Baptiste la regarde. Elle est bizarre cette bouteille : Son goulot n'a pas de trou. Pas de trou, pas de bouchon ! Tu peux la tourner et la retourner, elle est fermée de partout !

- " Que veux-tu faire avec une bouteille qui n'a pas de trou ? "

- " Tu ne peux ni la remplir, ni la vider ! "

-" Mon garçon, cette bouteille est un trésor ", avait dit papa avant sa mort.

- " Elle est ronde. Elle est verte. Elle est vert et bleu "...

- " Elle est verte, ou elle est bleue" ?

- " Elle est vert et bleu, comme l'océan. "

Elle est grosse, cette bouteille : De ses deux bras tendus, Jean-Baptiste en fait tout juste le tour, tout juste !

-" C'est un trésor, a dit papa, ne l'abandonne jamais. Prends bien garde à ne pas la casser : c'est fragile, c'est du verre ! Où que tu sois, si tu regardes bien, tu verras dans la bouteille un poisson chinois "

- "Un poisson chinois ? "

_ " Oui, bien vivant ! Il est parfois rouge, parfois bleu, parfois vert ou même couleur d'argent ... "

- " Il change de couleur ? "

- " Il change de forme et il change de couleur. Il a parfois de longues nageoires, parfois il n'en a presque pas. Parfois il a de gros yeux et parfois ils sont tout petits. Tout à l'heure il était tout en longueur, maintenant, le voilà tout rond. Il ressemblait à un papillon, le voilà semblable à une fleur et le voici de toutes les couleurs .

-" Mais qu'est-ce qui le fait changer de forme et de couleur ?"

-" Si tu regardes un oiseau, si tu le regardes bien, le poisson prend ses couleurs. Il prendra aussi sa forme. Si tu regardes une fleur, si tu la regardes bien, le poisson prendra sa forme, un peu, et ses couleurs aussi. Si tu contemples un ciel plein d'étoiles, si tu le contemples longuement, le poisson sera tout moucheté de blanc. Si la lune brille, il en prendra la forme et il sera tout argenté."

-" Chaque fois que tu regardes quelque chose, le poisson change ? "

- Oui mais attention : Chaque fois que tu passeras à côté de quelque chose sans le regarder, le poisson chinois perdra ses couleurs. Il deviendra de plus en plus gris et de plus en plus petit ! "

-" Mais par où est-il entré dans la bouteille, le poisson chinois ? Par où est-il entré, puisque le goulot est complètement bouché ? "

-" Cela, c'est une autre histoire ! Garde-toi bien de te montrer trop curieux à ce sujet ! "

Jean-Baptiste essuie ses larmes. Il prend la bouteille entre ses bras. Il la serre contre son ventre. Il part sur le chemin, tout droit ...



Survient une chenille. Elle rampe sur le bas-côté.

-" C'est laid, une chenille ! "

Justement, celle-là, elle est très belle : Elle est verte, avec de petits points rouges. Elle a de long poils jaunes.

-"Dieu que c'est beau ! "

Jean-Baptiste s'arrête. Il pose la bouteille tout doucement. Il s'assied dans l'herbe. Il regarde longtemps la chenille : Elle étire un fil ... Elle s'enveloppe dans un joli cocon lisse et blanc. Et puis voilà qu'un beau papillon sort du cocon. Il a des ailes comme de la soie, de la soie de Siam. Il est bleu, avec des points rouges. Il a des antennes : On dirait des plumes !

-" Et le poisson chinois ? "

-" Il monte, il descend et il remonte dans la bouteille, du fond jusqu'au goulot et du goulot jusqu'au fond ... Il a des nageoires comme des foulards de soie. Il est tout bleu, avec des pois rouges.

- " Comme le papillon ! "

-" Avant, il était tout allongé, comme la chenille ... Et vert et rouge comme elle ! "



Jean-Baptiste rencontre ensuite un ruisseau, au bord de son chemin. Dans le ruisseau, il y a un petit têtard. Jean-Baptiste a bien failli ne pas le regarder.

-"Un têtard, c'est tout noir et ce n'est pas très beau ..."

Mais Jean-Baptiste regarde dans sa bouteille : le poisson chinois est en train de perdre ses couleurs. Alors, le garçon pose sa bouteille dans l'herbe, bien doucement pour ne pas la briser.

- "J'ai compris ! Le têtard est en train de devenir une grenouille ! "

Justement, une très belle grenouille, rose avec des yeux bleus ... Avouez que ce n'est pas commun, une grenouille rose avec des yeux bleus !

Et le poisson chinois devient tout rond et tout rose ...

-" Avec des yeux bleus ! "

Il était temps que jean-Baptiste fasse attention : Le poisson chinois avait commencé à rétrécir. Il était devenu tout petit, tout petit. Il aurait tellement diminué qu'il aurait bien pu disparaître tout à fait si Jean-Baptiste n'avait pas porté attention à ce petit têtard, tout noir et tout vilain ! Ensuite, Jean-Baptiste continue son chemin. Tout à coup , il s'arrête à nouveau.

- "Qu'est-ce qu'il a vu ? "

- " Une graine, une petite graine, toute grise, toute sèche, toute ridée ..."

-" Ce n'est pas très beau, une petite graine toute sèche ..."

-" Non, ce n'est pas très beau." Jean-Baptiste va passer ... Mais dans sa bouteille, le poisson chinois redevient tout petit, tout petit. Le garçon pose sa bouteille, un peu trop vite, même : Elle a failli se heurter aux cailloux du chemin ! Une goutte de pluie tombe, la graine germe, deux feuilles se déplient sur la tige, puis s'ouvrent des fleurs, de toutes les couleurs !

-" Et le poisson chinois ? "

-" Jamais on n'a pu voir un poisson aussi beau : Ses nageoires sont comme des pétales ! Et puis .... Ces couleurs ! "



Plus tard encore, Jean-Baptiste trouve un oeuf. C'est beau, un oeuf ! Le poisson chinois devient tout rond. Il est presque transparent, comme une coquille ..; Et puis voilà que naît le poussin, et le poisson chinois deevient tout jaune. Il change encore lorsque le poussin devient un oiseau ... C'est un paille-en- queue ! Le poisson chinois voit pousser, à la place de sa nageoire caudale, une longue queue, très effilée.

-" J'ai compris ! "



Jean-Baptiste a tout compris : Tout est beau, il suffit de bien regarder ! La chenille devient papillon, le têtard devient grenouille, la graine noire devient bouquet de fleurs, l'oeuf tout rond devient un oiseau ... D'un caillou, on fait un bijou, un morceau de bois devient un joli bateau, un roseau devient un pipeau ou bien un sifflet ...



Quant aux hommes et aux femmes, quant aux garçons et aux filles, il suffit de les regarder aux fond des yeux ... Grands ou petits, bruns ou blonds, habitant ici ou bien ailleurs, leurs prunelles sont toujours merveilleuses !


Jean-Baptiste comprend tout : La bouteille est un trésor, papa l'avait bien dit ! Quand on regarde tout, quand on sait regarder et admirer, sans à priori, tout devient beau ! C'est comme ça que l'on devient un grand poète. C'est aussi comme ça que l'on devient un grand savant ...



Si vous trouvez par hasard la bouteille de Jean-Baptiste ( des fois qu'il l'aurait laissée quelque part ...), ramassez-la. Surtout n'allez pas la casser ! ... Dedans, vous ne trouveriez rien, ni poisson chinois, ni poisson anglais, ni poisson français, ni même un poisson créole ... Rien, rien, rien du tout ! ... Et pourtant !

lundi 20 octobre 2008

LES ROUSSETTES


En ce temps-là .... C'était quand ? C'était quand ?

-"C'était bien avant l'arrivée des grands bateaux."

C'était où ? C'était où ?

-" Eh bien, c'était aux îles Seychelles, pardi !"

En ce temps-là, les roussettes étaient comme les rats : Elles trottaient et elles couraient sur le sol, et puis elles grimpaient dans les cocotiers et aussi dans les manguiers.

-"Mais, des roussettes, qu'est-ce que c'est ? "

-"Tu les entends la nuit. Tu les entends couiner, grogner, grincer comme des charnières rouillées. Elles sont dans les manguiers, dans les cocotiers, dans les pappayers. Elles mangent des fruits, elles mangent des fleurs. Au petit matin, elles repartent dans la montagne et leurs ailes lourdes sont noires contre le ciel blanc.

En ce temps-là, donc, les roussettes n'avaient pas d'ailes. Elles couraient sur leurs pieds, de toute la vitesse de leur petites pattes.On pouvait les voir filer entre les buissons, entre les arbres. Mais personne ne les voyait parce que ... Dans les ^lesn il n'y avait personne ! C'était bien avant l'arrivée des grands bateaux. Il n'y avait que les crocodiles, il n'y avait que les tortues pour voir courir les roussettes à la nuit tombée.

La roussette, au fond, ressemblait à un petit chien, à un petit renard. Elle avait les yeux vifs et les oreilles dressées. Elle avait le poil roux, marqué de noir. Tout comme maintenant. Seulement, elle n'avait pas d'ailes et elle courait.

-"On l'appelle roussette. On l'appelle chauve-souris."

Mais à cette époque, en ce temps-là, je ne sais pas comment on la nommait. D'ailleurs, qui l'aurait nommée ? Il n'y avait personne dans les îles ... que des crocodiles, des tortues et des paille-en-queue. La roussette, elle, dormait tout le jour, la tête en bas, pendue en haut d'un albizzia.

-" il y avait des albizzias ? "

-" À vrai dire, je ne suis pas sûr qu'il y en avait. Mais les chauves-souris dormaient toute la journée, tout en haut des arbres les plus hauts, sur les sommets des montagnes. Le soir, elles se laissaient glisser jusqu'à terre. Elles grimpaient dans les arbres fruitiers. Elles se goinfraient de de fleurs, elles se goinfraient de fruits, comme aujourd'hui, en poussant des petits cris de plaisir ! "

-"Tu les a vues, les chauves-souris ? Leurs ailes sont des membranes tendues entre leurs doigts. Le jour, comme je l'ai dit, elles sont pendues la tête en bas, accrochées aux branches par les pattes de derrière. Elles s'enveloppent dans leurs ailes noires et se cachent les yeux pour dormir. Elles ne sortent qu'à la nuit.

Mais comme, en ce temps-là, les roussettes n'avaient pas d'ailes ... elles ne volaient pas, c'est évident ! Une nuit, elles se sont aperçues avec affolement qu'elles avaient tout mangé ! Dans les branches, il n'y avait plus un fruit, plus aucun ! Plus une mangue, plus une papaye jaune, plus une papaye rouge, ni un seul avocat ! Il n'y avait même plus une fleur dans les cocotiers !

Le problème était grave : Qu'allait-on manger ? Je crois bien que le jour suivant personne n'a dormi !On s'est rassemblé dans une clairière, à Sans-Souci. On en avait pourtant, des soucis ! Comment faire, et qu'allait-on manger en attendant la prochaine saison des fleurs, la prochaine saison des fruits ? L'assemblée se mit à délibérer.

On voulait bien essayer de manger des racines, des feuilles, des vers, des sauterelles ... Mais ce n'était pas là des nourritures pour des chauves-souris ! On a parlé longtemps, longtemps ... Et puis le soir est arrivé. On n'avait toujours rien trouvé ! Dans les branches on entendait pleurer les bébés roussettes, tant ils avaient faim !

Un jeune mâle n'avait rien dit. C'était un jeune de l'année précédente, aux idées modernes et audacieuses. Il était beau, il était fort et il avait beaucoup d'imagination. Pendant que les autres discouraient, il réfléchissait :

-"Le soir arrive. Le soleil descend, tout au fond, sur l'océan. Il va se coucher derrière l'île voisine dont les arêtes se parent de jaune et de rouge tandis que la montagne devient noire. Et c'est pour cela qu'on l'appelle l'île Silhouette. Dans cette île, il doit bien y avoir des fleurs. Il doit bien y avoir des fruits ... Oui, mais voilà : Comment y aller, dans cette île ?

Cet adolescent était sportif et sûr de lui. Sans rien dire à personne, il est descendu jusqu'à la plage. Il a coupé une feuille de bananier;

-" il faut que j'arrive jusqu'à l'île voisine ! "

Dans la feuille de bananier il s'est taillé des ailes. Il es a fixées entre ses doigts, il les a collées tout au long de ses bras, et puis ... Il s'est envolé ! Il a volé toute la nuit, en battant des ailes d'un vol lourd, comme les roussettes le font encore aujourd'hui. Mais quand l'aurore est arrivée, il était encore très loin de l'île dans laquelle il voulait se rendre, très loin et perdu au-dessus de l'océan. L'aube était déjà dépassée : Le ciel était tout embrasé. Comment faire ? Les chauves-souris ne volent pas pendant le jour, elles ne sortent que pendant la nuit !

Alors, notre roussette est descendue jusqu'à la surface de la mer, qui était bien calme, sans vagues et sans rides. Elle s'est couchée sur le dos, faisant "la planche", comme on dit. Elle a replié ses ailes à demi. Une bise légère les a gonflées. La roussette a navigué comme un voilier, en s'abritant les yeux pour ne pas être aveuglée par la lumière du soleil. Elle est allée jusqu'à l'île Silhouette, celle que l'on voit si bien de la plage de Beauvallon, souvent couronnée de brume le matin et noire au crépuscule, à contre-jour sur fond de nages rouge-orangé.

À Silhouette, il y avait une multitude de fleurs et de fruits. Aucune chauve-souris n'était encore allée jusque là. Le lendemain, notre roussette est retournée chercher toutes ses amies. C'est depuis ce temps-là que les roussettes ont des aies. On les voit tourner dans le ciel, un peu avant la tombée de la nuit. Elles reprennent leur vol un peu avant le lever du soleil.

Mais on dit ... On dit que, parfois, des pêcheurs dans leurs barques aperçoivent un plein jour les chauves-souris sur l'océan, quand il est bien lisse. Elles se laisseraient pousser par la brise, en repliant légèrement leurs ailes pour se protéger les yeux. Elles se rendraient à Silhouette, comme de petits bateaux à voiles.

Certains les auraient entendues, bien loin au large ... Ils racontent qu'elles couinaient, qu'elles grinçaient .... comme de vieilles charnières rouillées !

dimanche 19 octobre 2008

LE RAT ET LA TORTUE


C'était un jour, au temps longtemps. Les îles étaient inhabitées. Elles n'étaient fréquentées que par les oiseaux qui venaient par les airs et les tortues qui venaient par les eaux.

Il y avait bien aussi les tortues terrestres, mais celles-là, elles étaient venues on ne savait d'où, on ne sait comment, on ne sait quand.

Arrive un rat. personne n'a pu me dire comment il arriva. Peut-être s'était-il accroché à l'un de ces grands troncs d'arbres qui dérivent dans l'océan, venant de Madagascar ou bien d'ailleurs. Ils finissent par s'échouer sur un rivage, dans les rochers ou sur la plage.

Un rat, donc, survint ... C'était au temps longtemps, au temps où les rats n'avaient pas de queue : C'était comme cela, que voulez-vous ? Les rats n'avaient pas de queue.
C'est drôle, un rat sans queue, non ? Celui-là n'en avait pas.



Imaginons donc : La mer rejette un grand tronc d'arbre sur un rocher, un rocher pas bien gros, perdu, tout seul au-milieu des flots. Je crois ... Il est possible que ce soit sur Brisard, l'écueil qui se trouve juste au nord-ouest de Mahé, tout près de Victoria.

Vous pouvez imaginer si le rat était heureux, après tant de jours à la dérive, balloté par les flots ... Il en avait le mal de mer et le coeur lui remontait au bord des lèvres ! Il met pied à terre, ( je devrais plutôt écrire "il met pattes à terre" ). Tout aussitôt, il monte en haut du rocher, juste à temps pour éviter d'être repris par une vague plus grosse que les autres : Il avait bien failli se faire mouiller les fesses! (Pas la queue, vous vous souvenez pourquoi ! ).

Bon, le voilà en haut, à guère plus d'un mètre au-dessus des flots, à vrai dire.

-"Très beau, tout ceci, mais il faut partir de là, et vite ! D'abord parce que je ne sais pas si la mer monte ou descend. Est-ce que ce rocher est noyé à marée haute ? Et puis, de toute façon, j'ai faim ! Il faut que je trouve à manger : ici, il n'y a rien !"

La côte n'était pas très éloignée. Notre rat voyait très bien la pointe Conan et la pointe du Nord. Il y avait là-bas beaucoup de cocotiers. C'est bon, les noix de coco ! Le rat sait très bien grimper le long d'un tronc, aussi long et aussi haut soit-il. Quand il a trouvé une grappe de noix, il choisit la plus belle. Il la ronge, il la creuse jusqu'à ce qu'il trouve l'amande, si tendre sous la dent !

Oui, mais voilà : comment aller jusqu'à la côte ? Notre rat ne sait pas nager.

-" Les oiseaux pourraient bien me transporter Il y a beaucoup d'oiseaux : Des sternes, des fous, des frégates noires mais ... Allez donc faire confiance à un oiseau ! Ils pourraient bien me laisser choir ! Et puis ... Qui sait si les oiseaux ne mangent pas les rats ?"

Le rongeur ne demande donc rien aux oiseaux, mais il a de plus en plus faim et ...

-"Hou là là ! Ayo ! je crois bien que la marée commence à monter !"

-"Un poisson pourrait bien me prendre sur son dos. Justement, il y a plein de poissons : des bécunes, des bourgeois, des carangues et des tazars ... Mais allez donc faire confiance à un poisson : Il pourrait bien me noyer en route ! Et puis, il y a peut-être bien des poissons qui mangent les rats !"

Le rongeur ne demanda donc rien aux poissons. Mais il avait de plus en plus faim ! Et puis ...

-"Hou là là ! Ayo ! C'est certain, la marée monte! "

Et tous ces cocotiers là-bas, dans l'île voisine ! Mais voilà, c'était un rat sans queue, un rat qui ne savait pas nager !



Arrive une tortue, une grosse tortue de mer. C'est placide, une tortue, c'est calme, c'est gentil ..;

-" Eh ! Tortue ! Ma chère tortue ! Tu veux bien me prendre sur ton dos ?"

La tortue accepte;

-"Mais ... Tu me promets que tu ne plongeras pas ? "

-"Allez, monte. Je te promets que je te débarquerai sain et sauf."

.... Et la mer qui a monté ! Elle atteint presque, déjà, le sommet du rocher.

-"Grimpe vite, ou tu vas te noyer ! "



Le rat monte sur la carapace de la tortue et, la tortue, en nageant, se dirige tout droit vers la pointe Conan. Mais une tortue qui nage, ça bouge, ça gigote ! Sur l'écaille, le rat n'arrive pas à accrocher ses griffes.Ses ongles dérapent. Il glisse! Il va tomber dans l'eau !

Non : Il s'est avancé jusqu'au cou de la tortue et il a planté ses griffes dans la peau.

-"Tu me fais mal ! "

-"Ne plonge pas ! Tu l'as promis ! "

La tortue ne plonge pas, mais elle souffre.Ce sont ses griffes et ses dents que le rat lui a enfoncés dans la peau du cou ! Elle nage, elle nage le plus vite possible ... Enfin, tout essoufflée, elle arrive à la plage. Le rat a déjà sauté à terre. Sans prendre seulement le temps de dire merci. Il court vers les cocotiers, de toute la vitesse de ses quatre pattes. Diable ! C'est qu'il a grand faim !


Mais à ce moment-là, la tortue s'aperçoit que le rat ne s'est pas contenté de mordre et de griffer ... Cela, elle peut le comprendre, puisque le rat avait si peur de tomber à la mer ! Mais ce qu'elle ne supporte pas ... Ce qu'elle ne peut pas supporter ... Ah! Non ! Elle ne le peut pas !
... C'est qu'il a fait ses crottes, là, dans son cou !

-"Bandit sans respect ! Ignoble cochon ! Sale individu ! "

La tortue coupe une branche bien droite, en fait un javelot ... et le lance très fort en direction du rat qui grimpait déjà le long du tronc d'un cocotier. Le javelot se plante entre les deux fesses du rat :

-" Ayo !"

Et c'est depuis ce temps-là que les rats ont une queue. mais c'est aussi depuis ce temps-là que les tortues ont la peau du cou toute plissée, ridée ... Comme si elle était couverte de cicatrices ! Elles ont aussi la peau granuleuse ... Des petits granulés noirs ... Comme des crottes de rat !

Et puis, si vous ne me croyez pas ... Demandez donc à ma grand'mère, Léonie Lajoie, qui habite à "Ma Confiance" ... Vous verrez, elle confirmera tout. Elle vous dira que mon histoire est vraie. Et ma grand'mère Léonie Lajoie, vous savez, elle sait tout !

mercredi 8 octobre 2008

L'ARCHE DE NOÊ

















En ce temps-là ... En ce temps là ...
Mais prêtez-moi toute votre attention, vous qui me lisez en ce moment. Prêtez-moi bien votre attention car notre temps n'est pas loin de ressembler à ce temps-là.

Le Bon Dieu, qui était fort occupé ... Pensez donc, avec toutes ces étoiles et toutes ces planètes, alors que la plupart ne sont connues que de lui-même ! Il y a les planètes à faire tourner, chacune dans le bon sens et à la vitesse précise à laquelle elle doit le faire. Il y a les soleils et les étoiles qu'il faut allumer et puis qu'il faut éteindre, chacun à l'heure précise ou il doit l'être. Il y a les océans, qu'il faut faire monter ou descendre, chacun à l'heure prévue pour la marée. Il y a ... Il y a ... Imaginez un peu tout ce qu'il y a à faire dans ce grand univers !

Le Bon Dieu, bien qu'il fût très occupé s'arrêta un jour sur notre planète. Il s'assit tout en haut de la plus haute montagne, sans doute dans le massif de l'Himalaya. Il abaissa son regard et considéra les habitants de la terre, les hommes aussi bien que les animaux. Et ce qu'il vit à ce moment-là n'est pas loin de ressembler à ce que l'on peut voir en ce moment - partout, il ne voyait que des guerres, des crimes, des assassinats ... Tous ces êtres, qu'il avait créés pour vivre en paix ne savaient plus que se battre. Sur le monde entier, la violence était reine.

Les actes de l'homme, surtout, dépassaient la raison : Il ne chassait plus, il ne pêchait plus pour trouver sa nourriture, mais pour chercher son plaisir ! Curieux plaisir que celui de tuer des êtres vivants ! Ce n'était que carnages de lapins, de perdrix, de tourterelles, de truites, de saumons, d'espadons, de thons ... Les chiens eux-mêmes avaient été dressés pour courir après les biches et les cerfs. Pensez : Sur la terre, l'oiseau dodo avait déjà disparu, les tortues survivaient en nombre infime. Dans l'océan, c'était tout juste s'il restait quelques baleines. Les hommes les tuaient ... Ils ne savaient plus très bien pourquoi ils les tuaient, mais ils les tuaient toujours !

Je ne parle pas des guerres que les hommes se faisaient entre eux. Ici et là, dans les vallées, partout, sur les collines, au bord de la mer, en haut des montagnes, et même dans le désert, les injures montaient, le sang coulait. Ce n'était que haine, rapines et incendies, mensonges, vols, fourberies et incendies.

Le Bon Dieu lissa sa barbe et laissa courir son regard sur ce triste spectacle.

" Il est temps de mettre de l'ordre, se dit-il. "

Mais il avait remarqué, je ne sais trop où ni en quel pays, un homme qui se conduisait assez bien. Il était bon et sage.Il s'appelait Noë ... Vous avez déjà entendu parler de lui, bien sûr !
Dieu s'adressa à Noë et il lui dit : Mais vous savez déjà ce qu'il lui a dit !

-"il pleuvra pendant quarante jours. Il pleuvra pendant quarante nuits."

Noë avait compris. Aidé de ses trois fils, il entreprit la construction d'un grand bateau en bois. C'était vraiment un grand bateau, un bateau à trois ponts.

-"Tu y monteras avec ta femme, tes trois fils et tes trois belles-filles, avait dit le Bon Dieu, et tu embarqueras aussi un couple de chaque espèce d'animaux."

Noë, donc, embarqua tout ce qui marche, tout ce qui rampe, tout ce qui vole, car les oiseaux, par exemple, n'auraient jamais pu tenir l'air pendant quarante jours et quarante nuits, les chauves-souris non plus !

Un couple de hérons, donc, deux frégates, deux pigeons, deux cardinaux aussi, bien entendu, mais ces derniers ne tenaient pas beaucoup de place !

-" Mais, me direz-vous, que nous racontez-vous là ? Nous connaissons depuis longtemps cette histoire là !"

C'est vrai, et pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais c'est maintenant que mon histoire devient un peu nouvelle ... Croyez-moi ou ne me croyez pas, mais moi, e vous le dis comme ceci : L'arche de Noë vint aux Seychelles. J'ignore si c'était à Mahé, à Praslin ou à La Digue, mais je crois bien que c'était à Praslin parce que c'est là que l'on trouve des " Cocos d'Amour" ! Il avait fallu beaucoup d'amour pour construire et piloter l'arche et prendre soin de tous ces animaux !

Comment je sais qu'il est venu là ? Réfléchissez un peu et vous conviendrez comme moi qu'il est forcément venu. : Les animaux ne vivent pas tous dans les mêmes régions, dans les mêmes pays, sur les mêmes continents. Dans un pays, par exemple, il y a des rhinocéros, dans un autre il n''y en a pas. Dans un pays il y a des aigles, dans un autre, il n'y en a pas.
Les tortues géantes ... Il n'y en a pratiquement qu'aux Seychelles, tout au moins celles qui appartiennent à l'espèc que vous connaissez. Comment Noë aurait-il pu en emporter s'il n'était pas venu ici ? Où les aurait-il prises ?

Donc, avant l'ouverture des vannes du ciel et les robinets , le Bon Dieu avait dit à N oë de faire le tour du monde, sans oublier une seule île. Noë vint aux Seychelles. Il embarqua des tortues géantes, un couple de roussettes. Alors il considéra tous les autres animaux qui se trouvaient là.

-"Les poissons, inutile de s'en occuper, ils peuvent rester dans l'eau. Les mammifères marins, ils peuvent y rester aussi" ... Et c'était heureux : Où aurait-on mis deux baleines, deux rorquals, deux cachalots ? Il restait déjà fort peu de place depuis qu'on avait fait monter les éléphants !

Tout à coup, Noë aperçut un couple d'oiseaux tout blancs. On les appelle des aigrettes ( Madame Patton en langue créole ). Vous savez bien : ce oiseaux avec de longues pattes, de longs doigts, avec un long bec dont ils se servent pour attraper les poissons sur les étals du marché ! Mais, en ce temps-là, les aigrettes n'avaient pas ces longues pattes. Elles n'avaient pas ce long cou, ni ce long bec. Elles étaient totes blanches, certes, comme maintenant ... Mais elles avaient la forme de gros pigeons. D'ailleurs, en Créole, on ne les appelait pas "Madame Patton".

-" Halte là !"

Pas de chance, Noë les avait reconnues ...

-" Eh! Les aigrettes, pas la peine d'essayer de me tromper : j'ai dit deux seulement. Le compte y est déjà !"

Les deux aigrettes, dépitées, retournent sur la plage. Je ne sais comment, je ne sais qui les a aidées, voilà leurs pattes qui se sont allongées.

-" Il ne nous reconnaîtra pas, cette fois-ci ! "

Les deux aigrettes se présentent à nouveau au pied de l'échelle de coupée.Elles sont juchées sur leurs échasses et même leurs doigts se sont allongés ...

-" Tiens, se dit Noë, voilà de nouveaux oiseaux !"

Mais tout à coup :

-" Arrière, vous autres ! Je vous ai reconnues malgré vos longues pattes et votre long bec. Inutile de vous déguiser en "Madame Patton". Les " Madame Patton n'existent pas encore. Dieu ne les a pas encore créées !""

Vous remarquerez que c'est Noë lui-même qui a donné ce nom-là aux aigrettes pour la première fois. Quoi qu'il en soit, nos deux oiseaux se retrouvent à nouveau sur la plage. Que faire ?
Je ne sais comment. Je ne sais grâce à qui, mais voilà que nos deux aigrettes sont devenues toutes noires.

-"Allez, montez " dit Noë cette fois.

Et c'est pour cela qu'il y a de nos jours des "madame Patton". Vous me direz qu'elles sont blanches, et non pas noires ... Certes, certes ... Mais les blanches, ce sont les aigrettes qui étaient montées dans l'arche les premières. Elles n'avaient ni longues pattes, ni long cou, ni long bec. Cependant, elles ont bien été obligées, elles-aussi, de les allonger : Les animaux étaient si serrés dans ce bateau qu'elles n'arrivaient pas à attraper les bananes suspendues pour leur nourriture par Noë. Elles ont bien dû imiter les "Madame Patton" noires !

Mais n'avez jamais vu de " Madame Patton" noires, dites-vous ? ... Regardez mieux, soyez patients et attentifs. Il en existe bel et bien, de grands savants ornithologues me l'ont dit ! D'ailleurs, si vous voyez une " Madame Patton" noire, n'hésitez pas à nous écrire ... N'oubliez pas de joindre à votre envoi ... Une photographie de votre oiseau ! Et dites-nous où vous l'avez aperçu !

À LA PROCHAINE FOIS ... POUR UNE AUTRE HISTOIRE !

samedi 4 octobre 2008

LES PREMIERS HABITANTS DES ÎLES


Écoutez bien, petits enfants, écoutez bien mon histoire ... Mais surtout, n'allez pas la répéter aux grandes personnes.  C'est une histoire pour ceux qui savent écouter et ceux qui savent encore rêver. ... Ne la répétez pas !

Les grandes personnes vous racontent que, jusque ... vers mille sept cents et quelques, les îles Seychelles, vos îles, étaient inhabitées ... Il ne faut pas croire les grandes personnes, elles ne sont pas raisonnables, elles ne croient que ce qu'elles lisent dans leur journal ou dans leurs livres !

Il ne faut pas les croire. Non, croyez moi, les îles étaient habitées depuis longtemps ... Et peut-être bien depuis la nuit des temps !



Ce qu'on m'a dit ... ( ne le répétez pas ! ) , ce qu'on m'a dit, c'est que les îles étaient peuplées par des hommes bien différents de nous ... D'abord, ils étaient tout petits ... Pas plus hauts qu'une banane-mignonne ... Rendez-vous compte ... Ils n'étaient pas bien grands, n'est-ce pas ... juste grands comme ça ... à peine ! Ensuite, les premiers Seychellois, ils n'étaient pas blancs, ils n'étaient pas noirs, ils n'étaient pas jaunes non plus, comme on dit que sont les Chinois ... Ils n'étaient pas rouges non plus, comme on dit que sont les indiens d'Amérique ... Les premiers Seychellois, ils étaient tout petits, et ils étaient ... tout verts !

Vous ne me croyez pas ? Pourtant je vous le dis, ils étaient tout verts et ils étaient très jolis comme ça ! Eux-mêmes se trouvaient très beaux. Ils étaient verts ... comme les feuilles de bananier, vert clair. Leurs yeux étaient rouges et flamboyants comme des braises ... Ils étaient magnifiques, leurs yeux !


À part cela, ils étaient comme nous, les premiers habitants des Seychelles. Ils marchaient sur deux pieds, ils avaient deux mains ... Je n'en dirai pas plus .... Fermez les yeux et pensez à eux très fort ... Vous pouvez imaginer vous-mêmes s'ils portaient de baux habits ou bien s'ils étaient tout nus ... Pour ma pat, je l'ignore. Et puis ... Cela est indifférent à mon histoire !

Ce que je peux vous dire, parce que cela je le sais, c'est que les premiers habitants des Seychelles, bien que tout petits ... Ils étaient très forts. Comment je le sais ? Mais regardez donc autour de vous !

Voyez ces deux bâtiments métalliques en forme de boules blanches que vous appelez le "tracking", qui croyez-vous qui les a roulés là-haut, à la crête des montagne de la "Misère" ? Les grandes personnes vous diront que ce sont des "techniciens américains" Mais pas du tout ! Ce sont les petits hommes verts, il y a bien longtemps ! Ils avaient beaucoup de force, vous savez ! Qui d'autre aurait pu rouler jusque là-haut ces eux énormes boules ?

Les gros rochers qui baignent dans l'eau, à la pointe nord-est de Mahé ... Qui croyez-vous qui les a mis là ? Et ces autres rochers, à La Digue, sur la plage de l'Union ?
Sur la plage de l'hôtel Sunset, à Glacis, il y a une roche qui est fe,due en deux. À votre avis, qui peut bien l'avoir fendue ? Il en faut, de la force, pour fendre le granite !

Les petits hommes verts, vous dis-je ... Les petits hommes verts !

À Belombre, il y en a un qui est marqué d'une croix, un autre d'un rond et un troisième a été sculpté en forme de nez ... Des marques pour signaler le trésor caché d'un pirate ? C'est ce qu'on vous a raconté ... N'en croyez rien : Vous seriez capable de graver des marques comme ça, vous ? Fariboles ! D'ailleurs, vous voyez bien qu'on ne l'a jamais retrouvé, ce trésor ! Ce n'est pas faute de l'avoir cherché !

Non, croyez moi, je vous le dis : Ce sont encore les petits hommes verts. Vous vous rappelez " Des hommes pas plus hauts qu'une banane-mignonne, des hommes tout verts, avec des yeux tout rouges ..." Et qui habitaient les îles Seychelles bien avant l'arrivée des grands bateaux.

Oui, mais voilà, vous me direz : " On ne les a jamais vus, ces petits hommes verts."

Exact, et d'abord parce qu'en ce temps-là, quand ils habitaient ici tout seuls, avant l'arrivée des grands bateaux ... Il n'y avait personne d'autre pour le raconter ! Celà, vous ne pouvez pas me dire le contraire ! Et puis ... Et puis ... Quannd les grands bateaux sont venus ... Ah! c'est vrai, je vous ai dit que les petits hommes verts étaient comme nous : Ils avaient deux pieds, deux mains, mais ...

Les petits hommes verts, ils les ont vus arriver, les grands bateaux. Pensez donc, avec toutes ces grandes voiles blanches qu'ils avaient ! Et puis, ils avaient aussi des canons, de gros canons, qui tonnaient !
Or les petits hommes verts n'aimaient pas du tout le bruit. Oh, mais pas du tout ! Et c'est sns doute pour cela, mais je ne peux pas vous le garantir ... C'est pour cela que vous n'en avez jamais vu nulle part, mais vous vous trompez ! Ils sont toujours là, les petits hommes verts : à Mahé, à La Digue, à Praslin ... Seulement, je ne vous ai pas encore tout dit : Ils peuvent respirer dans l'eau, les petits hommes verts, comme des poissons ! Alors ils se cachent, tout au fond, surtout là où il y a dusable. Je sais qu'il y en a beaucoup à Beauvallon, à Grande-Anse aussi, et à Baie-Sainte-Anne.

N'avez-vous jamais eu l'impression, la nuit, que chacun nageait dans le jardin, pendant que vous étiez dans votre lit ? Vous n'avez jamais entendu de drôles de bruits ?

Les petits hommes verts qui passent ...

Il y avait des mangues bien mûres, dans le manguier de votre jardin ... Et voilà qu'au matin, vous les avez retrouvées à terre, à moitié grignotées ... Les chauves-souris, vous a-t-on dit ? Pensez-vous !

Les petits hommes verts !

Ce rocher qui barrait la route au petit matin ... La pluie l'aurait fait glisser sur la pente, pendant la nuit ? N' en croyez rien !

Les petits hommes verts !Le fil électrique qui a cassé ... Le fil du téléphone ... Votre stylo qui est perdu ... Le feu, qui a pris dans les broussailles ...

Les petits hommes verts, je vous dis. Encore, et toujours les petits hommes verts !

S'ils nous font tant de farces, s'ils nous font tant de misères ... C'est peut-être bien qu'ils voudraient nous faire partir, nous faire quitter leur pays !

Avec nos motos, avec nos autos, avec nos avions, nos radios et nos télévisions, nous faisons trop de bruit pour leur goût ! Alors, peut-être bien que c'est pour cela qu'ils voudraient nos faire partir, les petits hommes verts, pour retrouver le calme et le silence qui régnaient dans les îles avant l'arrivée des grands bateaux ! Alors, les petits hommes verts ne rencontraient que des tortues, lesquelles sont muettes et marchent sans bruit, comme chacun sait. Cela ne parle pas, les tortues !



Mais, si les grandes personnes vous disent que ms histoires ne sont pas vraies, il ... Ne les croyez surtout pas ! Parlez-en plutôt à votre petite soeur. Je suis certain que, dans ses rêves, la nuit, elle-aussi les a entendus marcher, les petits hommes verts ! Peut-être bien, même qu'elle les a vus ? Ils sont là depuis si longtemps, si longtemps; les petits hommes verts !

mercredi 1 octobre 2008

CONNAISSEZ-VOUS MIDAS ?





Il était une fois ...
C'est presque toujours ainsi que commencent les histoires, n'est-ce pas ?


À Port-Launay, il était une fois un Créole qui s'appelait Midas ... Allez donc savoir pourquoi il s'appelait Midas ! ... Mais ce n'est peut-être pas indifférent ... Écoutez bien mon histoire, vous comprendrez tout à l'heure ... Midas était un bel homme, ma foi, un très bel homme : Grand, élancé, doré par le soleil.


Chaque matin que Dieu faisait, Midas se levait avant l''astre du jour. Ses deux avirons sur l'épaule, il se dirigeait vers la plage devant laquelle sa barque se balançait, bien à l'abri du vent. Chaque matin que Dieu faisait, Midas laissait à la maison sa femme, qui s'appelait Écho et ses deux enfants, deux fillettes que lui avait données la Providence. L'une s'appelait Marie, elle avait le yeux bleus. L'autre s'appelait Jeannette, elle avait les yeux noirs.


Il se mettait aux avirons, que le temps soit bon ou mauvais. Il souquait dur pour sortir de la baie. Au moment où il hissait la voile, le soleil se levait. Mais, comme le soleil se levait à l'est, du côté de la montagne, il restait de l'ombre, longtemps encore, sur la mer. Du côté des Cannelles, les crêtes étaient dorées. Elles formaient comme une couronne.

Midas relevait son premier casier pas bien loin de la côte. Il n'avait pas de peine à le retrouver : un bidon blanc servait de bouée. On ne pouvait pas le manquer. À cet endroit, la mer n'était pas très profonde. Par beau temps, il était facile de tirer sur le filin qui servait d'amarre.
Le plus souvent, dès que le premier casier était relevé, dix à douze poissons d'or frétillaient sur les planches. Midas remerciait Dieu, puis il se dirigeait vers la bouée suivante, non sans avoir, bien sûr, rejeté son casier à la mer, dans un éblouissement de cristal.
Ce jour-là, la mer était mauvaise. Midas avait eu le plus grand mal à relever les deux premiers casiers.La pêche était maigre, très maigre !
De peur que le vent ne vienne à souffler plus fort, Midas décide d'aller relever tout de suite le casier le plus éloigné. La barque fait route vers un haut-fond, à mi-chemin de l'île Silouhette. Cela fait loin pour un petit bateau comme celui-là ! Midas est un bon marin, c'est vrai, mais la mer est vraiment bien grosse ce jour-là !
Sa voile tendue à craquer, la barque file. La proue se dresse à chaque vague, puis redescend dans un creux d'où l'on pourrait bien ne jamais remonter ... Jusqu'où descendra-t-on ? ... Mais on remonte. On remonte et Midas tient bon le cap, debout au vent.
Au fond du bateau, c'est tout juste si remuent un petit cordonnier noir et un perroquet vert et bleu. Les enfants attendent à la maison ... Il faut aller plus loin, relever tous les casiers, pour gagner de quoi vivre ... Ah ! Que l'on a de peine à gagner sa vie !

Et quand on pense qu'il y en a qui sont riches, riches, tellement riches qu'ils ne peuvent même plus compter leurs pièces d'or ! Juste à ce moment-là, le soleil bondit par-dessus la montagne et vient répandre sur l'océan tout un miroitement de pièces d'or. Quel spectacle ! C'est splendide, tout cet or répandu aux reflets des vagues. La voile elle-même est dorée, aussi dorée que peut l'être la chasuble d'un prêtre le jour de la Fête Dieu.



Midas est arrivé près de la bouée la plus éloignée. Il affale la voile. Il hâle le filin. Rien dans son casier, rien qu'une murène, que Midas n'a plus qu'à rejeter à la mer.

" Et dire qu'il y a des rois qui ont tant d'or qu'ils ne savent qu'en faire ! Tant d'or qu'ils en recouvrent les toits de leurs palais ! "

-"Et dire ... C'est vrai qu'on m'a raconté cette histoire autrefois ... Et c'était ma grand'mère qui me l'avait racontée, je crois ... C'était l'histoire d'un roi, d'un grand roi magicien : Tout ce qu'il touchait se transformait en or ! ... Il s'appelait le roi Midas. "

-" Vous vous rendez compte : Aujourd'hui, je n'ai pêché que deux petits poissons de rien du tout, mais s'il me suffisait de les toucher pour qu'ils deviennent de l'or ! "

Midas rit un grand coup. Il rejette le casier à la mer. Il se remet à souquer fort sur les avirons : Le vent s'est levé, il n'est plus question de hisser la voile; le vent la déchirerait bien vite !
Dieu, que c'est dur ! Midas a des ampoules aux mains et il a très mal aux épaules. Pourtant, il a de l'entraînement !
Il parvient à son mouillage, après avoir dépensé toutes ses forces. Dans la barque, il n'y a toujours que deux petits poissons, quelle misère ! Avec quoi est-ce qu'on paiera les robes des deux petites, qui vont bientôt faire leur première communion ?

midas repense à ce Roi Magicien, qui transformait en or tout ce qu'il touchait ...

-"Ah! se répétait-il ... Si je pouvais en faire autant ! "

L'imprudent ! Que n'avait-il pas dit là ? Les deux petits poissons qu'il tenait à la main ... Voilà qu'ils étaient devenus ... deux petits poissons d'or !
Sans mentir ... Deux petits poissons en or massif, plus éclatants que les reflets du soleil !
Midas en resta ébahi !



D'où lui vient, tout à coup, ce pouvoir magique ? Est-ce que le Bon Dieu l'aurait entendu et exaucé ? Serait-ce la murène qui était magicienne ? ... La murène qu'il avait remise à la mer, là-bas où se trouve le casier le plus éloigné ?

Mais n'importe, le résultat est là ! Midas, tout heureux se presse pour rentrer à la maison. Ayant touché terre il prend les avirons et les met sur son épaule. Voilà que dès qu'il les a touchés, les avirons se sont transformés en or. Ils sont lourds, lourds ! Mais Midas est tellement joyeux qu'il danse.

-" Le roi, je suis le roi, le roi magicien ! ... Tout ce que je touche devient de l'or ! "

Une goyave pend à une branche, bien mûre. Dans sa joie, Midas la cueille et la porte à sa bouche pour y mordre à belles dents : Holà ! ... La goyave, elle-aussi, s'est transformée en or ... Midas étouffe un cri de douleur, il s'est cassé une dent !

-" Mais c'est qu'il va falloir faire attention ! Diable, ce n'est pas drôle du tout ! "



Passant par le hangar, près de chez lui et ayant très soif, Midas saisit une bouteille d'eau fraîche ... La voilà qui se transforme en or. Même le liquide se durcit et se fige en coulée d'or.

-" Grave ... C'est très grave ! Et ce n'est pas drôle du tout ! Si tout ce que je veux boire, tout ce que je veux manger se transforme en or ... Je vais en mourir ... mourir de faim et de soif ! Roi, je suis le roi magicien de l'Océan-Indien, tout ce que je touche devient de l'or. Mais, bien que je sois très riche, je vais en mourir ... "

Midas reste songeur : Vous parlez d'une affaire ! Comment expliquera-t-il ce qui lui arrive à son épouse et à ses deux fillettes ?




Et quand on pense qu'il y en a qui sont riches, riches, tellement riches qu'ils ne peuvent même plus compter leurs pièces d'or ! Juste à ce moment-là, le soleil bondit au-dessus de la montagne et vient répandre sur l'océan tout un miroitement de pièces d'or. Quel spectacle ! C'est splendide, tout cet or répandu aux reflets des vagues. La voile elle-même est dorée, aussi dorée que peut l'être la chasuble du Curé le jour de la Fête-Dieu !

Midas est arrivé près de la bouée la plus éloignée. Il affale la voile. Il hâle le filin : Rien dans son casierr, rien qu'une murène, que Midas n'a plus qu'à rejeter à la mer ...

-" Et dire qu'il y a des rois qui ont tant d'or qu'ils ne savent quoi en faire ... Ils en recouvrent les toits de leurs palais ! Et dire ... C'est vrai qu'on m'a raconté cette histoire autrefois ... Et c'est ma grand'mère qui me l'a racontée, je crois ... C'était l'histoire d'un roi, d'un grand roi magicien : Tout ce qu'il touchait devenait de l'or ! Il s'appelait ;.. le roi Midas ! vous vous rendez compte, aujourd'hui je n'ai pêché que deux petits poissons, mais s'il me suffisait de les toucher pour qu'ils deviennent de l'or ! "

Midas rit un grand coup. Il rejette le casier à la mer. Il se met à souquer fort sur les avirons. Le vent s'est levé, il n'est plus question de hisser la voile : Le vent la déchirerait bien vite !Dieu que c'est dur ! Midas a des ampoules aux mains et il a très mal aux épaules ... Pourtant, il a de l'entraînement !
Il parvient à son mouillage, après avoir dépensé toute ses forces. Dans la barque, il n'y a toujours que deux petits poissons. Quelle misère ! Avec quoi est-ce qu'on paiera les robes des deux petites, qui vont bientôt faire leur Première Communion ?



Midas repense à ce roi magicien, qui transformait en or tout ce qu'il touchait ...

-" Ah ! Se répétait-il, si je pouvais en faire autant ! "

L'imprudent ! Que n'avait-il pas dit là ! Les deux petits poissons qu'il tenait à la main ... Voilà qu'ils était devenus ... deux petits poissons d'or ! Sans mentir ... Deux petits poissons en or massif, plus éclatants que les reflets du soleil !
Midas en demeura ébahi ! D'où lui vient ce pouvoir magique ? Dieu l'aurait entendu et exaucé ? Serait-ce la murène qui était magicienne ? ... La murène qu'il avait remise à l'eau, là-bas où se trouve le casier le plus éloigné ?



Mais qu'importe ! Le résultat est là. Midas, tout heureux se presse pour rentrer à la maison. Il prend les avirons et les met sur son épaule. Voilà que, dès qu'il les a touchés, les deux avirons se sont transformés en or eux-aussi. C'est lourd, lourd ! Mais Midas est tellement joyeux qu'il danse.

-" Le roi, je suis le roi, le roi magicien ! Tout c e que je touche devient de l'or !"



Une goyave pend à une branche, bien mûre. Dans sa joie, Midas la cueille et , vivement, la porte à sa bouche pour y mordre à belles dents. Oh là ! ... La goyave, elle-aussi, s'est transformée en or. Midas étouffe un cri de douleur.

-"Mais c'est qu'il va falloir faire attention ! Diable, ce n'est pas drôle du tout ! "

Passant par le hangar, près de chez lui et ayant très soif,Midas saisit une bouteille d'eau fraîche ... La voilà qui se transforme aussitôt ... Même le liquide devient de l'or !

_"Grave, c'est très grave ! Et ce n'est pas drôle du tout ! Si tout ce que je veux boire, tout ce que je veux manger, devient de l'or ! Je vais mourir de faim et de soif ! "

-"Roi, je suis le Roi Magicien de l'Océan Indien, tout ce que je touche devient de l'or ... Mais, bien qu'immensément riche, je vais mourir de soif et de faim !"

Midas reste songeur. Vous parlez d'une affaire ! Comment expliquera-t-il ce qui lui arrive à sa femme et à ses deux fillettes ?



Les fillettes, justement, les voilà qui arrivent en courant et en criant de joie :

_"Papa, tu as fait une bonne pêche aujourd'hui ? "

Midas aime tant ses deux filles qu'il en oublie ... Hélas ! Tout le reste. Elles lui sautent au cou. Il les prend dans ses bras, toutes les deux à la fois.
Voici que Jeannette et Marie deviennent lourdes, lourdes ... Elles tombent toutes les deux par terre, à la renverse. Leurs jambes et leurs bras restent dressés , comme pour étreindre le cou de leur père encore ... Mais elles sont dorées ... Elles sont ... Oui, malheur ! ... Les deux fillettes ne sont plus que deux statues d'or massif que la vie a abandonnées ... Immobiles, muettes, elles étincellent au soleil.

Midas s'assied au bord du chemin. Il pleure à chaudes larmes, la tête dans les mains. Il ne se rend pas que compte que sa femme, Écho, s'approche par derrière.Elle n'a pas le temps de crier : Elle a touché son mari ... Elle est devenue, elle-aussi, une statue en or, la bouche ouverte !

Au bord du chemin, près des trois statues, il n'y a plus que Midas ... et les trois petits poissons ... et les deux avirons. La goyave, elle, est restée sous l'arbre, là où elle a été jetée.

Jeannette est couchée sur le dos, Marie est assise de guingois ...Écho est debout dans la lumière. Pauvre, pauvre Midas, lui qui croyait que l'or le rendrait heureux ! Considère ce qu'il a fait de toi ! Ne serais-tu pas heureux de redevenir le pauvre Midas, tirant sur ses avirons de bois pour revenir chez lui ? Ce pauvre Midas qui ne rapportait que deux pauvres petits poissons ... Mais ce Midas que Jeannette et Marie embrassaient en lui sautant au cou ...Ce pauvre Midas qui peinait pour nourrir sa famille, mais qui avait tant de joie à mordre dans les fruits à belles dents, à vider d'un seul coup une bouteille d'eau bien fraîche quand il faisait très chaud dehors ? Midas, Midas, ne serais-tu pas bien heureux d'embrasser ta femme en rentrant à la maison ?

Et c'est à ce moment là, très exactement, qu'un chien se met à hurler !

Midas, réveillé en sursaut se dresse sur son lit : C'était un mauvais rêve ! Ce n'était qu'un mauvais rêve ... Sa femme est là, à son côté. Elle dort paisiblement, un petit sourire aux lèvres. Jeannette et Marie dorment aussi, dans la chambre à côté. Allons, il est l'heure de se lever ! Le soleil ne va pas tarder à dorer la surface de l'océan. Il est l'heure de se mettre aux avirons et d'aller relever les casiers ...

Quel bonheur, mon Dieu quel bonheur de n'être qu'un simple Midas ! Mon Dieu quel bonheur de ne pas être, non pas du tout, le Roi Magicien de l'Océan-Indien !
Tant de bonheur que Midas se met à chanter : Vous croyez que la richesse fait toujours le bonheur ? - Il ya des choses beaucoup plus précieuses que l'or et l'argent ! L'histoire de Midas en est un bon exemple je crois ...